Pourquoi j’ai renoncé à l’idée de quitter l’Église catholique

Publié le par Garrigues et Sentiers

Voici la première réponse d’un lecteur de notre blog à notre Dossier n° 41 Rester dans l’Église catholique ? Nous l’en remercions vivement et vous invitons, amis internautes, à nous adresser vous aussi vos contributions.
Ainsi s’étoffera le dialogue que nous avons commencé à nouer avec vous en publiant les témoignages de membres de notre comité de rédaction. Nous continuerons à le faire dans les semaines qui viennent, en alternance avec ceux que vous nous confierez car ce dossier participatif vous est pleinement et librement ouvert.

G & S

Toujours en recherche, à 82 ans passés.

Alors que je touche à la fin de ma vie sur terre, je me pose toujours les mêmes questions :

- Quel a été jusqu’ici le sens de ma vie ?
- Quel est aujourd’hui le sens de ma vie ?
- Quel sera demain le sens de ma vie, de ma mort ?
- Dieu existe-t-il ?
- Qu’a fait l’Église dite « Une, Sainte, Catholique et Apostolique » du message de Jésus ?
- Qu’ai-je fait, moi-même, de ce message ?
- Faut-il rester dans cette Église ?
- Sinon, pour aller où ?

Ces questions, je me les posais déjà, il y a 50 ans alors que, marié et père de 3 enfants,

- je travaillais comme ingénieur, directeur d’agence d’un bureau d’études de bâtiment,
- je cheminais avec le MCC pour tenter de concilier « vie dans un monde dominé par la recherche du profit » et « attention au message évangélique », 
- j’animais un groupe de prière charismatique dans mon quartier de Marseille,
- je fréquentais le dimanche, l’église des Dominicains,

et découvrais les problématiques liées à :

- la surconsommation des richesses naturelles et leur prochain épuisement ;
- la disparition massive d’espèces animales ;
- l’inégalité criante et toujours croissante de la répartition des richesses dans notre pays et dans le monde entier. 
- le discours de l’Église sans prise de position claire vis-à-vis de ces problèmes.

Mes réflexions, aidées par Monique, mon épouse ; par des lectures (en particulier de René Dumont : Croissance zéro) ; par les membres d’une petite communauté de catholiques qui s’était créée dans notre quartier ; par les conseils de notre aumônier de MCC, le Père Jouitteau, jésuite, et de notre évêque, le Père Etchegaray, nous ont conduits à envisager un changement de vie, avec la mise en application de la parole de l’évangile : « Vends tout ce que tu possèdes et suis-moi ». 

Nous avons alors fréquenté des communautés nouvelles : L’Emmanuel, Le Chemin neuf, La Théophanie. À La Théophanie, j’ai reçu ce que l’on appelait alors l’effusion de l’Esprit. C’était comme la présence sensible de Jésus à me côtés, ce qui m’a rempli de joie, a mis en moi un désir de conversion, et m’a permis de comprendre comme jamais cela ne m’était arrivé, le sens profond des textes de la messe à laquelle nous avons assisté le lendemain. Nous avons enfin rencontré Le Lion de Juda devenu, cinq ans plus tard, la communauté des Béatitudes. Nous y sommes entrés en août 1978. 

En entrant dans cette communauté, je pensais ne plus avoir à chercher à donner un sens à ma vie, car j’étais convaincu d’avoir trouvé Le sens de ma vie. Mais même si nous n’avons jamais été confrontés aux scandales qui ont ensuite défrayé la chronique, nous avons décidé de sortir de cette communauté, cinq ans après y être entrés, suite au constat de l’inadéquation du principe de vie communautaire avec une vie de famille authentique. Ce mode de vie ne posait pas de gros problèmes avec des enfants petits, mais commençait à en poser de sérieux avec des enfants atteignant leur majorité et ne faisant pas, eux-mêmes, le choix de la vie communautaire. 

Au sortir de la communauté, je ne me sentais pas à l’aise dans l’Église dont les rites ne me parlaient plus. Et je dois à mon épouse d’avoir persévéré dans la pratique religieuse, d’avoir cherché une nouvelle forme d’engagement d’abord en ACI, où ça n’a pas accroché, puis dans la CVX que nous avons fréquentée durant environ 25 ans.

Quelques années après notre retour à une vie « normale », le trésorier du CCFD m’a demandé de l’aider. J’étais donateur du CCFD depuis assez longtemps, et je m’y suis engagé un peu plus en entrant dans l’équipe d’Albi, ce qui m’a ouvert l’esprit et le cœur au problème de la faim dans le monde, et m’a montré que des chrétiens pouvaient vivre dans l’action au nom de leur foi. Ayant atteint 80 ans, j’ai dû cesser de participer aux réunions aux niveaux national, puis régional et même diocésain qui occasionnaient des déplacements trop fatigants. L’équipe locale ayant pratiquement disparu avec l’arrivée du Covid, je me suis de nouveau retrouvé simple donateur.

Au cours de mon cheminement, j’ai pris conscience que des personnes de bonne volonté se trouvaient partout, et pas seulement dans les mouvances catholique ou protestante, mais aussi chez les membres d’autres religions et chez les athées.

Dès lors, que proposait l’Église catholique, que l’on ne trouvait pas ailleurs ?

Il est difficile de répondre à cette question, tant les propositions de l’Église catholique sont variées d’un lieu à l’autre, d’un mouvement d’action catholique à l’autre, d’une communauté de laïcs ou de religieux à l’autre… Pour ma part, ce que j’ai retenu des enseignements reçus au travers de mes passages dans des groupes cathos très divers est, dans quelques-uns d’entre eux, une ouverture aux autre religions et courants de pensée, un respect de tout homme ou femme et une grande espérance dans l’aptitude de l’humain à surmonter les épreuves même très importantes à condition de ne jamais pactiser avec le mal et de se fier entièrement à l’enseignement de l’Évangile, plus qu’aux règles édictées par l’Église, souvent de façon assez éloignée de l’enseignement de Jésus. 

En un mot, je fais de moins en moins confiance à ce que cherchent à nous inculquer certains membres de la structure ecclésiale, pour chercher la justification évangélique de toute parole d’autorité. Même certaines paroles d’évangile ne me semblent pas devoir être prises pour des vérités immuables, dans la mesure où elles ont pu être écrites tardivement, dans un but précis tenant compte du contexte politique ou religieux de l’époque de leur rédaction (ménager l’occupant romain dans le récit du procès de Jésus, ou promouvoir pour l’Église un gouvernement centralisé à Rome, avec la parole attribuée à Jésus : « Tu es Pierre, et sur cette Pierre, je bâtirai mon Église »).
Il est clair que l’Église s’est souvent écartée de l’enseignement de Jésus, et qu’aujourd’hui encore nous sommes scandalisés par les crimes sexuels commis par des chrétiens, clercs ou laïcs. Mais on ne peut pas étendre à tous les chrétiens les jugements portés sur certains d’entre eux, fussent-ils nombreux ; trop nombreux pour apparaître comme de rares exceptions. Et puis, même si cette Église est loin d’être parfaite, il me semble qu’un nombre non négligeable de chrétiens ont pris conscience de la nécessité d’une conversion, et qu’ils œuvrent dans ce sens au sein même de cette institution. 

Quitter l’Église catholique pour se rattacher à une autre Église en voie de formation ne me semble pas préférable au fait d’y rester tout en prenant du recul par rapport à des pratiques ou des discours qui ne me correspondent plus et, surtout, m’apparaissent comme éloignés de l’enseignement de Jésus tel qu’il ressort des Évangiles. J’ai longtemps été tenté par le protestantisme, particulièrement luthérien, mais je n’en connais pas de communauté dans ma ville ; ou par une Église Pentecôtiste ou Évangélique, comme on les nomme parfois, mais quand je vois le rôle que jouent certaines de ces Églises aux USA ou au Brésil, cela me fait fuir au galop.

Ainsi, même si elle est imparfaite, pécheresse même, l’Église catholique me garde proche d’amis ou de simples relations qui, même s’ils ne partagent pas tous mes questionnements, tous mes doutes, restent dans ce qui nous unit au-delà de tout, la foi en Jésus tel qu’il nous est présent dans les Évangiles. C’est pourquoi j’ai renoncé à l’idée de la quitter, mais j’espère de tout mon cœur que les maux qui l’affectent auront tendance à disparaître avec l’aide de tous ceux qui, comme Garrigues et Sentiers sèment des graines de conversion.


Francis Marchand,
simple catholique de base

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