Qu’est-ce que la sainteté ?

Publié le par G&S

La sainteté de Dieu

« Toi qui es vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté… », c’est le début de la Prière eucharistique numéro 2. La sainteté est la caractéristique par excellence de Dieu, le terme qui souligne à quel point il est différent de tous les autres êtres, qui exprime sa transcendance, sa grandeur, sa perfection.

Mais en perspective chrétienne, ce mot s’applique au Dieu Personnel de la tradition biblique, au Dieu que Jésus nous a fait connaître : « Dieu, personne ne l’a jamais vu, le Fils Unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a révélé » (Jean 1,18). Certes, sa grandeur est vigoureusement affirmée, il est le Créateur par sa seule parole de tout ce qui existe, mais en même temps il est le Dieu qui s’intéresse à son œuvre, qui noue alliance avec son Peuple, qui est rempli de bienveillance et de pardon : « Quand Israël était enfant, je l’aimais, et d’Égypte, j’ai appelé mon fils… Mais mon peuple s’est attaché à son infidélité. Comment te traiterais-je, Israël ? … Mon cœur est bouleversé en moi, toutes mes entrailles frémissent. Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne détruirai pas à nouveau Éphraïm, car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi, je suis le Saint, et je n’aime pas détruire » (Osée 11, 1…9). En Dieu la sainteté est inséparable de la bonté.

Il faut aller bien plus loin encore : le Dieu Vivant, le Dieu Personnel et Unique révélé dans toute la Bible n’est pas solitaire : « Quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils » (Lettre aux Galates 4,4). Jésus, le Fils que Dieu a envoyé dans le monde, est inséparable du Père : « le Père et moi, nous sommes un » (Jean 10,30). Le Fils est Dieu, comme le Père. Arius, prêtre d’Alexandrie, croyait en la divinité du Fils, mais inférieur au Père, dans une conception hiérarchique, chère aux néo-platoniciens. Contre lui, l’Église a réagi : le Fils est « de la substance même du Père » (Concile de Nicée, 325). C’est dire que Dieu le Père donne la totalité de sa vie, de sa « substance », à son Fils, et aussi à l’Esprit (Concile de Constantinople, 381). Pour Dieu, être Dieu, c’est-à-dire être Saint, c’est se donner totalement à d’autres que soi, sans cesser d’être soi-même. On est très loin du Dieu plutôt impersonnel d’Aristote. C’est Pascal qui a raison : « Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, non des philosophes et des savants ».

La vie de Dieu est don de soi. « Dieu est Amour », en conclura Saint Jean (1e lettre de Jean, 4,8). La sainteté parfaite,  celle de Dieu, est identique à l’Amour,  don total de soi à d’autres que soi. Ce qui aide à comprendre le projet créateur de Dieu : donner son Amour à d’autres fils : « En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés, et qui a envoyé son Fils » (1e lettre de Jean 4,10). Le grand spirituel Maître Eckhart ira jusqu’à dire : « Le désir le plus élevé de Dieu, c’est d’engendrer ».

Jésus, le Saint de Dieu

Le Fils est l’image parfaite du Père. A travers sa vie humaine, Jésus laisse entrevoir ce qu’est la Sainteté de Dieu. Les puissances démoniaques, douées de capacités surnaturelles, sont, d’après saint Marc, les premières à le reconnaître : « Je sais qui tu es : le Saint de Dieu » (Marc 1,24). Mais Jésus leur interdit de parler, car le terme est trop chargé d’ambiguïtés. Pour Jésus, être Fils, être saint, c’est être tout entier disponible à ce qu’attend son Père : « le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père ; car ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (Jean 5, 19). Comme la vie de Dieu, la vie de Jésus est donc tout entière sous le signe de l’Amour : « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à l’extrême » (Jean 13, 1).

Pour accomplir la volonté de Dieu jusqu’au bout, pour se révéler définitivement comme le Saint de Dieu, Jésus accepte le don de sa vie. Sans cesse, tout au long de sa vie, il a cherché par sa Parole à révéler le vrai visage de Dieu, « qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons » (Matthieu 5,45). Mais au-delà de toutes ses Paroles, il y a la « non-Parole » (Hans Urs von Balthasar), l’acte suprême et silencieux par lequel Jésus s’en remet à Dieu : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23,46), qui est par excellence la Révélation de Dieu : Dieu en son Fils est allé jusque là ! « Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Romains 8, 31).

La sainteté, un don de Dieu

Le Concile Vatican II a profondément renouvelé la manière de comprendre l’Église. Une conception hiérarchique du monde, venue à la fois de la philosophie antique et des structures politiques dominantes, s’était imposée jusque là dans la conception de l’Église. Le Concile retrouve dans toute sa richesse l’idée de Peuple de Dieu : « l’ensemble de ceux qui regardent avec foi vers Jésus, Dieu les a appelés, il en a fait l’Église » (LG n° 9 §3). Après un chapitre IV sur la place des laïcs, ce grand texte sur l’Église, appelé de ses deux premiers mots, Lumen Gentium, consacre son chapitre V à « l’appel universel à la sainteté dans l’Église ».  Tous, enseigne le Concile, du plus petit des chrétiens jusqu’aux Évêques et au Pape, « sont appelés à la sainteté » (LG n° 39). Et la sainteté, c’est d’abord un don de Dieu : « Les disciples du Christ sont par le baptême vraiment devenus fils de Dieu, participants de la nature divine, et donc réellement saints ». La lettre aux Éphésiens enseignait déjà : « c’est par grâce, en effet que vous êtes sauvés… vous n’y êtes pour rien, c’est le don de Dieu » (Éphésiens 2,8).

Comment vivre la sainteté ?

Mais le Concile ajoute aussitôt : « Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever dans leur vie » (LG n° 40). Comment cela ? En vivant à l’exemple du Christ ! « En effet, Jésus a envoyé son Esprit en tous, pour les pousser intérieurement à aimer Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur intelligence et de toutes leurs forces, et aussi à s’aimer mutuellement comme le Christ les a aimés » (id). C’est donc extrêmement simple, au moins à formuler : la sainteté consiste à vivre les deux commandements inséparables dont Jésus enseignait qu’en eux s’accomplit toute la Loi (Matthieu 22,40). Et le Concile y revient lorsqu’il aborde les moyens d’accès à la sainteté : « L’amour qui nous fait aimer Dieu par-dessus tout et le prochain à cause de lui est par conséquent le don premier et le plus nécessaire… L’amour, lien de la perfection et plénitude de la loi (Romains 13, 10), dirige et anime tous les moyens de sanctification et les conduit jusqu’à leur fin (LG n° 42).

Cet appel à la sainteté, si simple, concerne donc tous les chrétiens, le Concile y insiste : « il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de l’amour s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état » (LG n° 40 § 2). Cela se joue dans l’existence quotidienne, et le Concile n’hésite pas à ajouter que « cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence » (id).

Et « de même que Jésus, le Fils de Dieu, a manifesté son amour en donnant sa vie pour nous, personne ne peut aimer davantage qu’en donnant sa vie pour lui et pour ses frères » (LG n°42 § 2). C’est pourquoi dans l’Église ancienne, les premiers à avoir été reconnus comme saints, participant déjà pleinement à la vie de Dieu, ont été les martyrs : Etienne, d’abord, Jacques, Pierre et Paul, Ignace d’Antioche et tant d’autres.

L’Esprit-Saint, Esprit de sainteté

« Le but de la vie chrétienne, c’est l’acquisition de l’Esprit-Saint » enseignait en Russie saint Séraphin de Sarov. En effet, si Dieu le Père est « source de toute sainteté », Celui qui le premier donne vie à tout ce qui existe, c’est par l’Esprit, Personne divine, vivante et agissante dans le monde, que cette sainteté nous est communiquée. En se donnant totalement, Jésus a répandu l’Esprit sur le monde et depuis la Résurrection et la Pentecôte nous vivons dans le temps de l’Esprit. C’est l’Esprit que nous prions pour que le pain consacré devienne nourriture de vie éternelle et fasse de nous le Corps du Christ. Et depuis St Paul, nous sommes invités à nous laisser guider par l’Esprit. « Et voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi : contre de telles choses, il n’y a pas de loi…. Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit » (Lettre aux Galates 5,22-25).

C’est pourquoi saint Paul peut conclure : « Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté ». En quoi consiste-t-elle, cette vraie liberté ? : « Par amour, mettez-vous au service les uns des autres. Car la loi tout entière trouve son accomplissement dans cette unique parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lettre aux Galates 5,13-14).

Liberté inventive dont témoignent les saints les plus connus, les saints François d’Assise, Benoît Labre, François-Xavier, Charles de Foucauld, et dont chacun de nous est invité à témoigner à sa place.

Jacques Lefur

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