De quelques paradoxes actuels
Notre monde est tout de même curieux qui permet aux mêmes personnes ou groupes de professer simultanément, sur des sujets graves mettant en cause des problèmes de
société essentiels, des opinions de logiques
contradictoires. Sans parti pris, c'est-à-dire sans prendre parti, nous en relevons quelques-unes ci-dessous, et en soulignerons d'autres, à l'occasion…
Faut-il espérer interpréter ces contradictions autrement que comme celles de nos convictions ou de nos besoins, qui peuvent effectivement être
antinomiques ?
Le fœtus est-il un être humain ?
On se souvient du scandale qui a éclaté lors de la découverte, dans un hôpital parisien, de centaines de fœtus morts conservés illicitement. On aurait dû soit
les rendre aux familles, soit supprimer leurs restes selon une certaine procédure. Pourquoi ce "respect" tatillon pour ce qui n'apparaît plus, lorsqu'il est un produit de l'I.V.G., que comme un
simple "amas de cellules" sans plus de caractère humain qu'un appendice ou un membre coupé ? Sur le plan éthique, la question reste ouverte ; elle l'est depuis… Aristote.
La mort provoquée sur un autre peut-elle être licite ?
On ne parlera ici ni des accidents, ni des morts dues aux guerres. Celles-ci paraissent tellement "normales" qu'on les a régulées par des "lois de la guerre" :
paradoxe, là encore, cette adoption de lois pour "humaniser" une activité "hors-la-Loi" ("Tu ne tueras point") !
En revanche, la question de la peine de mort appliquée à un criminel ne saurait plus être posée. Elle apparaît indécente, et pour tout dire "tabou". Qui se
risquerait à s'interroger sur toutes les raisons "rationnelles" de son abolition (hormis l'argument absolument "incontournable" du risque d'erreur judiciaire) ? Il passerait immédiatement
pour un infâme barbare ou, pire encore, pour un "fasciste". La vie est sacrée ! Certes.
Or les opposants à la peine de mort sont généralement les mêmes qui défendent l'I.V.G. Quelle est, dans ce cas, la justification de la suppression d'une vie, ne
fût-elle que potentiellement humaine ? Faut-il admettre, comme Aristote encore, que l'« animation » ne se fait qu'au bout d'un certain nombre de jours (NB. : il fallait plus
de temps pour une fille que pour un garçon, comme si elle était un peu moins "humaine" !) ? L'argument d'une absence de conscience, avancé parfois, paraît particulièrement
dangereux : il mettrait immédiatement en péril les personnes gravement handicapées mentales, et bientôt celles qu'un pouvoir totalitaire jugerait inférieures au prototype de l'humanité prôné
par lui : ça s'est vu ! Il pourrait aussi, a posteriori, dispenser de leur responsabilité les massacreurs de peuples qui, lors de conquêtes, et pas seulement coloniales, voulaient se
persuader – de bonne foi (?) ou non – que les êtres rencontrés n'étaient pas des humains "à part entière". Ce qui permettait en outre de les exploiter en toute tranquillité d'esprit.
À l'inverse, et pour être juste, il faut bien reconnaître que, très souvent, les partisans du "laissez-les vivre", quand il s'agit de formes fœtales,
restent partisans de la peine de mort pour des adultes convaincus de crimes…
L'institution du mariage est-elle respectable et souhaitable ?
Je n'ai pas écrit « sacrée ».
Les partis politiques, en vue de l'élection présidentielle, sont quasiment contraints de se prononcer sur la licéité d'abord, puis sur la légalité future d'un
mariage entre homosexuels. Le problème de fond, qui est la défense des droits, en particulier matériels, de personnes de même sexe ayant décidé de vivre ensemble, n'est pas en débat ici ; il
peut se régler par d'autres voies législatives (PACS amélioré, par exemple). Il s'agit simplement de constater que, parmi ceux qui en font une revendication sociale majeure – sans l'adoption de
laquelle ils ne sauraient voter pour un candidat quel que soit son programme par ailleurs – nombreux sont ceux qui, depuis 1968 et la "révolution sexuelle", ont brocardé, voire attaqué le mariage
comme "ringard", "liberticide" et "bastion réactionnaire" d'une société archaïque…
(à suivre )
Marc DELÎLE
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