De quelques paradoxes actuels, acte 3…
Depuis longtemps, les “pédagogistes” ont attaqué la compétition à l’école : à bas les compositions, plus de classements, qui sont, il est vrai, une méthode de
reconnaissance des meilleurs élèves, et par voie de conséquence des moins bons. Les “pédagogistes” ont gagné dans l’après-68 (y a-t-il encore quelque part des distributions de prix ?). Cela
donnait aux enfants, disaient-ils, le sens exacerbé de la compétition, insufflait aux plus forts (aux « têtes d’œuf ») un orgueil déplacé, humiliait les plus faibles, etc. J’ai entendu
dans des réunions de profs, à l’époque, qu’il n’existait pas de différences innées fondamentales entre les enfants : « ils sont tous également intelligents » :
foin du Q.I. dont les dangers sont certes évidents en “déterminant” trop tôt des enfants, en les “discriminant”, comme on dit aujourd’hui.
Il y avait du vrai et du bon dans cette utopie ! Il est exact que, le plus souvent, le “milieu” éducatif, en particulier
familial, est plus important qu’un Q.I. initial, encore virtuel. Son adoption partielle aurait dû aboutir à plus de liberté, d’égalité et de fraternité ! Mais la vie telle qu’elle est n’est-elle pas une gigantesque compétition dont les jeunes hyper-protégés – dans une tranquille démobilisation de tout instinct
de survie – sont les premières victimes, à commencer sur le “marché” du travail ? On peut, on doit le regretter : l’écrasement des plus faibles n’est pas dans la tradition
“judéo-chrétienne ; mais notre société – il faut en analyser les causes et si possible en amender les conséquences – est une jungle où s’amoncèle le «Malheur aux faibles»,
effectivement. Or, on a moins cherché à renforcer les faibles qu’à étayer leur faiblesse ou, pire, à la nier.
Dans ce monde de “marché”, on loue l’effet bénéfique de la concurrence comme d’un moteur de progrès. Il n’est pas jusqu’aux jeux électroniques,
dont raffolent nos chères têtes blondes, qui ne prônent le triomphe de la puissance (« Que la Force soit avec toi ! »), de la rapidité, de la ruse, jusqu’à la
sournoiserie… Les “académies” télévisuelles exacerbent les rivalités, les “top 50” et autres classements font vendre, le sport –outre le fric en jeu – n’est plus orienté vers le dépassement de
soi, mais vers celui des autres, etc., etc.
Alors, il faudrait être logique, c’est-à-dire : soit revoir les idéaux de l’éducation que nous proposons, qui se voudrait
irénique (hum !) et égalitariste, soit faire perdre à la vie sociale, spécialement professionnelle, son côté guerre civile permanente.
Marc DELÎLE