Une coupe, des coupes... Une Pâque, des Pâques... 3
Le déroulement du Seder de la Pâque
L’ensemble du déroulement du seder de Pessach est contenu dans un petit livre plus ou moins enluminé, qui s’appelle Hagadah shel
pessach, Récit de Pessach.
La recherche et l’annulation du chamets (prononcer rametz)
La fête de Pessah commence, la veille au soir, dès l’apparition de la première étoile, par la recherche, à la bougie, du chamets, le
levain, symbole du péché pour les juifs. Aucune parcelle de levain ne doit rester à l’intérieur de la maison, sur le balcon, dans l’escalier, dans la voiture…
Jésus disait à la foule : méfiez-vous du levain – c’est-à-dire de l’hypocrisie – des pharisiens (Luc 12,1), phrase incompréhensible en grec et
en français, mais pas en hébreu où levain (chamets) et hypocrisie (choneph), ont, en plus de leur assonance, la même valeur
numérique : 48.
Saint Paul exploitera le symbole du levain et le rite du c hamets pour le
christianiser : Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait lever toute la pâte ? Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes
(matsot). Car notre pâque, le Christ, a été immolée. Ainsi donc, célébrons la fête, non pas avec du vieux levain, ni un levain
de ruse et de méchanceté, mais avec des azymes de pureté et de vérité (1Corinthiens 5,6-8.)
Le début du repas et la première coupe
Le repas commence généralement par la récitation du Kidoush : le Seigneur est mon berger… (Psaume 23), suivie de bénédictions.
On boit alors la première coupe, on se lave les mains et on mange du céleri ou de l’oignon (karpass ) trempé dans de l’eau
salée.
Le chef de famille casse la matsah (galette de pain azyme) du milieu : il met de côté le plus grand morceau pour l’aphikoman (sur lequel nous
reviendrons, évidemment) et l’autre au milieu des matsot, en disant : lachemah ‘anéya’, voici le pain de l’affliction (que nos pères ont mangé en
Égypte…).
Les questions des enfants et la deuxième coupe ; le
repas
On remplit la deuxième coupe. Les enfants posent alors quatre questions :
Pourquoi cette nuit est-elle différente parmi toutes les nuits ?
toutes les autres nuits nous ne trempons pas (les
aliments), même une fois ; cette nuit deux fois
toutes les autres nuits nous mangeons du
c hamets (levain) ; cette nuit nous ne mangeons que de la matsah (azyme)
toutes les autres nuits nous mangeons toutes sortes de
verdure ; et cette nuit nous mangeons des herbes amères
toutes les autres nuits nous mangeons et nous buvons assis
droits ; et cette nuit nous sommes tous accoudés
Le chef de famille répond : ‘avadim hayiynou lepar‘oh bemitsrayim…, nous avons été esclaves de Pharaon en Égypte… et l’Éternel, notre Dieu, nous a
fait sortir de ce pays par sa main puissante et son bras étendu ; si le Saint, béni soit-il, n’avait pas fait sortir nos ancêtres d’Égypte, nous serions encore esclaves chez le Pharaon,
nous, nos enfants et nos petits-enfants… etc. Suit le récit de la sortie d’Égypte des hébreux.
Cette réponse correspond à la prescription faite par Dieu : lorsque ton fils te demandera demain ce que signifie ceci, tu lui
diras : « c'est par la force de sa main que le Seigneur nous a fait sortir d'Égypte, de la maison de servitude. » (Ex 13,14)
Après l’énoncé des plaies d’Égypte, le chef de famille présente l’os (zeroa‘), l’œuf (beitsah), la demi-matsah (azyme)
et le maror (herbes amères).
On prend la deuxième coupe de vin et on récite le début du Hallel (psaumes d’action de grâce) : Psaume 113 : hallelou yiha, hallelou ‘avdey adonaï,
louez Dieu, louez serviteurs de Dieu et Psaume 114 : quand Israël sortit d'Égypte, la maison de Jacob de chez un peuple barbare, Juda lui devint un sanctuaire, et Israël, le lieu de
son empire.
Le Hallel, louange (cf. hallelou yiha, louez Dieu et l’article Alleluia, Hosanna, Amen ! ) ensemble des psaumes 113 à 118, est chanté pour les fêtes. On leur ajoute le
psaume 136 (hallel hagadol, le grand hallel) pour certaines grandes fêtes, comme la Pâque.
On boit la deuxième coupe, on se lave les mains en récitant une bénédiction, puis le chef de famille prend un morceau de la matsah du dessus et un du plus
petit morceau de la matsah mis entre les deux autres, les trempe dans le sel et en mange ; il en distribue aux assistants qui font de même.
Il prend du maror, le trempe dans le charosset ; tous font de même. Le chef de famille dit la bénédiction et tout le monde mange le
maror.
Il prend un morceau de la matsah inférieure et du maror, les assemble et les trempe dans le charosset ; tous font de même.
Après une courte lecture, tous mangent.
Commence alors le repas de fête…
À la fin du repas, le chef de famille prend le grand morceau de matsah caché au début et en distribue à tous ; tout le monde mange cet
aphicoman (il est interdit de manger et de boire – sauf les coupes rituelles – après l’aphicoman).
Tout le monde se lave les mains.
La troisième coupe
On remplit la troisième coupe de vin, on récite de longues actions de grâce puis on boit la troisième coupe de vin.
La quatrième coupe
On remplit la quatrième coupe et on dit le shephokh hamatekha (prononcer shéphor hamatéra): répands ta colère sur les
peuples qui ne te connaissent pas… On reviendra longuement sur ce texte.
On chante la seconde partie du Hallel (psaumes entrecoupés de prières) : Psaume 115 : Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom
rapporte la gloire, pour ton amour et pour ta vérité ! Que les païens ne disent : « Où est leur Dieu ? » Notre Dieu, il est dans les cieux, tout ce qui lui plaît, il le
fait. Leurs idoles, or et argent, une œuvre de main d'homme ! Psaume 116 : J'aime lorsque le Seigneur entend le cri de ma prière, lorsqu'il tend l'oreille vers moi, le jour où
j'appelle. Psaume 117 : Louez le Seigneur, tous les peuples, fêtez-le, tous les pays ! Psaume 118 : Dans la détresse j’ai crié vers le Seigneur. Psaume 136
(hallel hagadol) : Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour !
On boit la quatrième coupe, puis on dit une dernière bénédiction et tout se termine, de nos jours, par le fameux leshanah haba’ah biyroushalayim,
l’an qui vient à Jérusalem !
Le Seder et le nombre 4
Les quatre questions et les quatre fils
La tradition juive dit que les quatre parties de la question posée au début du seder correspondent à quatre types d’enfants :
le sage demande : que signifient les lois, les
préceptes et les ordonnances que l’Éternel, notre Dieu, vous a prescrits ? (s’interroge sur les lois de la Pâque)
le pervers demande : quelle signification a cette
cérémonie pour vous ? (se dissocie de la communauté et manifeste du dédain)
le simple demande : pourquoi faites-vous
cela ? (il veut comprendre le sens général de la Pâque)
quant à celui qui ne sait pas
questionner… on doit lui expliquer la Pâque
La Haggadah des 4
La Haggadah dit que c’est en vertu de quatre choses que les enfants d’Israël ont été libérés d’Égypte :
ils ne changèrent pas leur nom(‘am Israël )
ils ne changèrent pas leur langage(l’hébreu)
ils ne révélèrent pas leurs secrets
ils n’abolirent pas la Brit Mila (alliance par la
circoncision)
Elle souligne qu’à travers des milliers d’années d’histoire les juifs ont gardé l’essentiel de leur identité.
Les 4 coupes… et la 5e
Aujourd’hui, le Seder de Pâque se déroule en quatre temps (quatre coupes).
Officiellement, cette coutume trouve son origine dans deux textes :
[L’ancien échanson de Pharaon dit] : « J’avais en main la coupe de Pharaon, je pris les raisins, je les pressai sur la coupe de
Pharaon et je mis la coupe dans la main de Pharaon. » Joseph lui dit : « … tu mettras la coupe de Pharaon en sa main, comme tu avais coutume de faire autrefois où tu
étais son échanson. » (Genèse 40,11-13). On trouve quatre fois le mot coupe dans ce texte, qui raconte comment Joseph, dans sa prison, interprète un songe de l’un de ses deux
codétenus, ce qui prélude à sa libération, image de la future libération du peuple d’Égypte.
C’est pourquoi tu diras aux fils d’Israël : Je suis le Seigneur et je vous soustrairai (vehotsé’tiy ) aux
corvées des Égyptiens ; je vous délivrerai (vehotsaletiy ) de leur servitude et je vous rachèterai
(vega’aletiy ) à bras étendu et par de grands jugements. Je vous prendrai (velaqachetiy ) pour mon peuple
et je serai votre Dieu. (Exode 6,6-7). Quatre termes différents désignent la délivrance : on boit une coupe pour chaque type de délivrance.
Mais on peut certainement estimer qu’un troisième texte est dans la même mouvance : Puis Joseph dit au peuple : « Donc, je vous ai maintenant
acquis pour Pharaon, avec votre terroir. Voici pour vous de la semence, pour ensemencer votre terroir. Mais, sur la récolte, vous devrez donner un cinquième à Pharaon, et les quatre
autres parts seront à vous, pour la semence du champ, pour votre nourriture et celle de votre famille, pour la nourriture des personnes à votre charge » (Genèse 47,23-24).
Quatre parts pour les hébreux et une cinquième pour Pharaon.
Cette coupe de Pharaon alimente depuis des siècles la polémique sur l’existence d’une cinquième coupe au cours du seder, liée à la phrase qui suit
immédiatement le texte d’Exode ci-dessus, sur les quatre délivrances, et qui n’a malheureusement pas été retenue par la théorie des 4 coupes :
Puis je vous introduirai (vehévé’tyi) dans la terre que j’ai juré de donner… ! (Exode 6,8).
On comprendra plus loin pourquoi j’écris : malheureusement.
Ainsi, pendant la célébration du seder la porte où le repas est partagé doit rester ouverte, au moins à la fin, pour permettre au prophète Élie de
s’introduire dans la maison pour bénir et boire la cinquième coupe… s’il revient…
On va se pencher plus longuement sur cette cinquième coupe en étudiant le déroulement du repas de Jésus, sur lequel il faut se poser – enfin ! – la question
annoncée :
Le dernier repas de Jésus, seder de
Pessah ?
A suivre... avec le seder de la Pâque de Jésus
René Guyon