Annonciation 2023
Le 24 mars 2023, sur GARRIGUES ET SENTIERS

Is 7, 10-14; Ps 39 (40); He 10, 4-10; Lc 1, 26-38.

 

Cette fête se tient un peu à contre-temps, vers la fin du Carême, quand nous nous préparons à célébrer la fin et le sommet de la vie de Jésus. Mais aussi elle nous permet, en ce temps, de nous souvenir de l'élément déclencheur : jusqu'alors Dieu accompagnait son peuple, l'instruisait, le morigénait, l'assistait. Désormais on change de paradigme, Dieu force notre porte, Il s'invite parmi les hommes pour en faire des fils, Jésus va les agréger à son être en en faisant son Corps. C'est un nouveau monde, une nouvelle histoire qui s'ouvre et devra se lire "à rebours", à la lumière de la Résurrection et de l'à-venir de Dieu-avec-nous (1).

 

Pour bien manifester que l'acteur de ces événements est Dieu, l'évangéliste note que Marie "ne connaît point d'homme", c'est l'Esprit qui agit (2). En même temps il se réfère au prophète Isaïe : "le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel, car Dieu est avec nous." (Is 7, 14).

 

Dieu change de fond en comble sa manière d'intervenir chez les hommes, mais dans la continuité avec son action dans le Premier Testament, la référence à Isaïe l'atteste; il s'agit bien du même Dieu, fidèle à la même promesse faite à Abraham et aux prophètes.

 

Ce texte nous décrit une vocation, comme bien d'autres auparavant. Celle de Marie est cependant particulière : Marie n'a rien à faire, Dieu seul va agir en elle. Elle n'est envoyée nulle part, elle n'a rien à proclamer (mais elle chantera le Magnificat!). Tout revient à Dieu, mais il est essentiel que Marie soit là, Dieu a besoin d'elle pour venir chez nous. Si les hommes refusent, Dieu ne peut rien. Marie a un rôle d'instrument, d'instrument consentant, instrument de Dieu, ce n'est pas rien! Sa réponse est alors limpide, une fois qu'elle a compris qu'il s'agissait vraiment de l'action de son Seigneur : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

 

Cela nous rappelle le premier récit de vocation, celle d'Abraham, avec cette réponse tellement simple qu'on oublie qu'elle est admirable, exceptionnelle : "Abram partit, comme le lui avait dit Yahvé, et Lot partit avec lui" (Gn 12, 4).

 

Marie, comme Abraham, a cru, au contraire du père de Jean-Baptiste, Zacharie. Lui, incrédule, en deviendra muet; il n'a pas cru en la Parole, sa parole lui est ôtée, elle serait fausse.

 

Il y a une différence fondamentale entre le cas de Zacharie et celui de Marie, visible dans l'annonce de l'ange. Aux deux il est dit que rien n'est impossible à Dieu. Dans le premier cas l'ange s'adresse au père pour lui annoncer qu'un phénomène naturel va se dérouler malgré son grand âge, une sorte de miracle, de "coup de pouce" de Dieu comme toute l'histoire ancienne en relate. Cette annonce se déroule dans le Temple, alors que Zacharie officie, c'est une annonce de Premier Testament. Dans le second cas l'ange s'adresse directement à Marie qui est concernée, et c'est l'Esprit qui va la féconder. On est entré dans le nouveau monde, la frontière est franchie. Cela se retrouvera plus tard : Jean-Baptiste, dernier prophète du Premier Testament, annoncera la venue du Christ, "Premier-né d'entre les morts" (Col 1, 18). Jean-Baptiste disparaîtra quand Jésus commencera sa mission. L'épître aux Hébreux marquera aussi cette césure entre le temps ancien et les temps nouveaux :"Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : «Me voici, je suis venu pour faire ta volonté». Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. (He 10, 8-9).

 

Nous sommes appelés à méditer sur cette vocation de Marie, sur sa réponse. Elle a ouvert des temps nouveaux à la lumière desquels nous relisons l'action de Dieu dans le monde. Mais ce monde nouveau ne peut se déployer sans notre acceptation, quelle que soit notre vocation.

Marc Durand

 

(1) C'est en quelque sorte le sens du mot "eschatologie".

(2) Des siècles plus tard les Pères de l’Église ont voulu insister sur la virginité de Marie (pour affirmer que Jésus était "Fils de Dieu"). Le texte ne permet pas de fonder cela. Personne n'était témoin de cette histoire, quand Luc écrit il n'a ni Marie ni Joseph comme témoins! Il s'agit d'un texte de théologie qui, à travers une histoire racontée, veut nous enseigner le sens du message. Luc d'ailleurs nous en avertit au début de son évangile: il ne fait pas œuvre d'historien, mais écrit "pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus" (Lc 1, 4).

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