Choses vues (ou entendues) 2
Dans les débats politiques actuels, souvent complexes, les protagonistes interdisent le plus souvent toute nuance dans les positions à tenir et dispositions à prendre, sur le principe : « Qui n’est pas (totalement) avec nous est contre nous ». Cette pratique, facile pour déconsidérer l’adversaire, stérilise toute possibilité d’échange.
Dans le cadre des « Choses vues (ou entendues) », on souhaiterait poser une question simple : « Est-on forcément antisémite si l’on reste réservé à l’égard du sionisme tel qu’il se manifeste aujourd’hui ? », ainsi que le prétendent et le répètent des hommes politiques connus (1).
Originellement, le sionisme était un courant de pensée et d’action revendiquant une patrie pour les Juifs qui, persécutés dans leurs pays d’origine, cherchaient une terre de refuge. Actuellement, hormis les mouvements ou états islamistes « radicaux » et leurs alliés (objectifs ou non), le monde a admis cette demande, et l’ONU a prévu, en 1947, un partage de la Palestine en deux états : un juif et un arabe, solution qui, trois-quarts de siècle après, n’a pas été réalisée. Les guerres consécutives ont abouti, aujourd’hui, à la constitution d’un « État-nation du peuple juif » par la loi du 19 juillet 2018 (mais déjà en germe dans la Déclaration d’indépendance d’israël de 1948). C’est une réalité.
L’existence d’israël a provoqué des déplacements de populations, principalement palestiniennes, qui ont créé une situation compliquée et dangereuse, le territoire « concédé » aux Palestiniens leur apparaissant, dès l’origine, inacceptable. Il était aussi non-viable avec ses deux zones séparées et contenues à l’intérieur même de l’état hébreu, avec des complications de communications et la question fondamentale et brûlante des « colonies », qui mitent ce territoire palestinien et suscite des affrontements locaux permanents et souvent brutaux.
Ces colonies représentent l’un des problèmes aigus du sionisme incarné par une partie de l’actuel gouvernement israélien. Traditionnellement présenté comme religieux et nationaliste, il revendique la cession de toute la terre « promise par Dieu » (Gn 15,18), et rêve d’un « grand Israël » initialement prévu « du Nil à l’Euphrate ». Ce sionisme-là, générateur de tensions, voire d’hostilités ouvertes, peut justifier une réserve, voire un rejet de la part d’authentiques philosémites. On peut s’opposer à ce sionisme, sans être antisémite.
Jean-Baptiste Désert
(1) Par exemple Emmanuel Valls. Voir, entre autres : Le Figaro 8 février 2016, 20 février 2019, 3 mars 2020, 9 novembre 2023, et France Info 8 novembre 2023…