Une invitation à la confiance

Publié le par G&S

Chacun ne peut s'engager au service des autres que si la confiance se trouve au rendez-vous. Or, le temps actuel est marqué par des signes de crispation. Il y a bien sûr les replis sur des identités collectives, conçues à la manière de blocs statiques qui ne pourraient que s'entrechoquer. Si tout le monde ne soutient pas l'idée d'un inévitable « choc des civilisations », on voit pourtant que certains, en position de faiblesse pour des raisons sociales et individuelles, vont tenter de se renforcer grâce à l'affirmation d'une identité collective. Mais cette volonté de faire bloc peut être perçue comme une menace et appeler en retour un raidissement de ceux qui y voient une atteinte à leur propre identité collective. Ainsi se crée une accumulation de peurs et de griefs réciproques qui risque de déboucher sur des affrontements.

L'espérance aujourd'hui (Talbot)Or, la diversité des cultures ne provoque pas fatalement des affrontements. Elle peut même donner lieu à des enrichissements mutuels. Il est vrai que la mondialisation actuelle produit un arasement des différences qui peut conduire à un appauvrissement culturel. Notre avenir commun ne passe pas par une opposition d'identités, il prend figure dans la formulation de projets, dans la quête de justice pour tous, dans la promotion de la paix, ce qui suppose une confiance mutuelle.

Les crispations ne se situent pas seulement à l'échelle du monde, elles ont aussi un effet délétère sur la vie commune de proximité (quartier, cité, commune, etc.) et la solidarité nationale. Ces peurs réciproques sont parfois le résultat de discriminations liées aux origines, à la religion, au lieu d'habitation, etc. De plus, les discours qui désignent une population comme déviante, notamment de la part de responsables politiques, induisent une perte de confiance mutuelle puisque, de proche en proche, chacun peut en venir à considérer l'autre comme la cause de ses malheurs. Ainsi, il peut paraître facile, et bénéfique d'un point de vue électoral immédiat, de désigner les Roms à la vindicte publique ou de suspecter tous les musulmans. Il faut alors se rappeler que nous sommes toujours « l'autre » de quelqu'un et que, de méfiance en rejet, la haine destructrice a vite fait de s'installer. Une vie commune relativement pacifiée demeure toujours fragile. Aussi, tout ce qui altère la confiance et suscite la mise au ban de la société d'une part de la population induit-il une violence dont les ravages s'étendent à tous. Le refus de l'autre conduit au malheur.

La culture du « moi » égocentrique se décline aussi en une crispation qui stérilise le désir d'alliance. Certes, l'antique modèle holistique et l'assignation plus récente de l'individu à un « collectif » ont engendré des frustrations et épuisé les aspirations à exister comme une personne singulière et originale. Il est bon pour chacun de pouvoir dire «je », mais en se souvenant que cette auto-affirmation devient possible dans la mesure où d'autres lui disent « tu » avec respect et affection. « Je » et « tu » ne s'opposent pas systématiquement, ils se confortent mutuellement. Ce tissage d'échanges continus et de reconnaissances croisées ne peut demeurer enfermé dans la sphère de l'intime. Il est le fruit de la vie en société, de même qu'il contribue à faire la société. Si l'alliance donne goût aux relations de proximité, elle inspire la vie commune en accordant une densité humaine au politique.

André Talbot
pages 83-85
Tiré de l’ouvrage L’espérance aujourd’hui - Pour une culture de la confiance

Les éditions de l’ateliermars 2013
159 pages – 18 €

Publié dans Réflexions en chemin

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