Une Église au service de la « respiration » de la foi

Publié le par G&S

Quelques jours avant sa mort, le Cardinal Martini qui fut l'un des papabile du dernier conclave donnait une interview intitulé : L’Église a 200 ans de retard 1. Dans le moment historique que traverse l’Église catholique, l’analyse de Carlo Maria Martini me paraît particulièrement judicieuse :

« L’Église est fatiguée dans l'Europe de l'abondance et en Amérique. Notre culture a vieilli, nos églises sont grandes, nos maisons religieuses sont vides et l’appareil bureaucratique de l’Église se développe. Nos rites et nos vêtements sont pompeux. Mais ces choses expriment-elles ce que nous sommes aujourd’hui ? (…) Nous nous trouvons dans la situation du jeune homme riche qui s'éloigne tristement quand Jésus l’appelle à devenir son disciple. Je sais bien qu’il n’est pas facile de tout laisser. Mais nous pourrions au moins chercher des hommes libres et attentifs à leur prochain, comme l’ont été Mgr Romero et les martyrs jésuites du Salvador (…). Je conseille au Pape et aux évêques de chercher, pour les postes de direction, douze personnes hors du commun, proches des plus pauvres, entourées de jeunes et qui expérimentent des choses nouvelles. Nous avons besoin d’entrer en contact avec des hommes qui osent agir pour que l’Esprit puisse se diffuser partout ».

À l’heure où les media du monde entier se jettent avec gourmandise sur les fastes et rituels qui accompagnent le conclave, on ne saurait être trop attentif au risque de réduire l’Église catholique à un décor. Dans un ouvrage passionnant, le dominicain François Boespflug, historien, théologien, professeur d’histoire des religions à l’université de Strasbourg et spécialiste international des représentations de Dieu dans l’art, rejoint les craintes du Cardinal Martini. Analysant l’évolution des formes de vie des ordres religieux, il écrit ceci : « Le risque qu’elles courent, actuellement, c’est de se “ muséaliser”, de devenir un simple capital symbolique, un patrimoine, de ne plus subsister que par l’intérêt historique, touristique, idéologique qu’elles suscitent, et de constituer des “ réserves micro-ethnographiques”, les religieux et les religieuses se transformant graduellement en vestales d’un culte défunt, privé de souffle. Plût au ciel que jamais les ordres religieux chrétiens ne soient déclarés par l’Unesco “ patrimoines de l’humanité ” » 2.

L’Église a un besoin urgent de retrouver le dynamisme profond de la foi tel que le redécouvre François Boespflug : « Je dirai que la foi est de l’ordre non de la possession, mais de l’annonciation ou de la visitation : elle vous advient, elle vous habite ou vous quitte. Vous n’en serez jamais propriétaire. (…) On compare parfois à un roc les “ hommes de foi ” et les “ femmes de foi ”. Longtemps cette comparaison m’a plu. Aujourd’hui, je n’ai plus le même enthousiasme. La foi est d’un autre ordre qu’une présence stable et solide. Elle ne censure ni le doute ni l’hésitation, rime avec fragilité et vulnérabilité. Elle a profondément à voir avec le mouvement de confiance en la vie qui s’exprime dans une paire de poumons en ordre de marche. La respiration non plus on ne la possède pas : on respire ou on ne respire plus. (…) Un vrai croyant peut se définir comme une personne chez qui la fonction vitale de la respiration théologale est à peu près en état de marche » 3.

Bernard Ginisty
Avant l’élection…

1 – Interview posthume réalisée par Georg Sporschill, jésuite, le 8 août 2012, relu et approuvé par le cardinal Martini qui devait décéder le 31 août ; publié le 1er septembre 2012 dans le quotidien italien Corriere della Serra, traduction française parue dans l’hebdomadaire La Vie du 6 septembre 2012

2 – François Boespflug : Franc Parler du Christianisme dans la société d’aujourd’hui. Entretiens avec Évelyne Martini. Préface de Jean-Paul Vesco. Éditions Bayard, 2012, page 181

3 – Idem, pages 114-115

Publié dans Réflexions en chemin

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M
<br /> Il est magnifique ce pape ! Quand je l'ai vu sortir, j'ai respiré le bon air de l'Eglise ! L'homme en blanc, simplement habillé de la lumière, serviteur de la Parole. Je rêvais un pape se<br /> présentant simplement, ayant vécu la vie simple des gens de son pays, compatissant et agissant de manière proche et évangélique !<br /> <br /> <br /> Il est bien conscient, que la tâche n'est pas aisée. Quand il a parle de la croix aux cardinaux, dès la première messe à la Chapelle Sixtine, il sait ce dont il parle. Et que tout cela se passe<br /> pendant le carême n'est pas un hasard. Benoît XVI sait choisir les dates... Et l'Esprit Saint aussi.<br /> <br /> <br /> J'étais persuadée que le nouveau pape allait sortir le 13/03/13 alors que nous étions réunis au Conseil Général 13. Nous étions là à l'occasion de la clôture de l'expo Bible - Patrimoine de<br /> l'humanité. C'était une table ronde, une mini rencontre d'Assise : l'imam Abdelsalam Souiki , notre archevêque G. Pontier, le pasteur Keller comme modérateur, le Grand Rabbin Réouven Ohana<br /> et enfin... Une femme, une théologienne baptiste, Mme Poujol-Duval.<br /> <br /> <br /> Le Gd Rabbin Ohana était en train de parler de ce qu'est la Tora dans la tradition juive, lorsqu'un huissier a glissé une enveloppe grise à Mgr Pontier... Là, je me suis dit : "habemus papam !".<br /> Et la réunion qui avait débutée à 19h00 s'est poursuivie, enrichie par les propos de chacun des intervenants sur des "Paroles de vie", comme "découragement" ou "espoir/espérance" étaient le fil<br /> conducteur et traités selon les écritures dans chacune des traditions. Ce n'est que vers 20h30, alors que s'achevait la réunion, que Mgr Pontier nous a signalé que la fumée était<br /> blanche. Et c'est de la bouche d'un protestant que nous avons appris le nom du cardinal élu et le nom qu'il s'était choisi. Il y avait parmi nous des franciscains et l'un d'entre eux était<br /> habillé tout en blanc ! Le nom du nouveau pape, François a fait courir dans ce grand amphithéâtre une joie simple et belle dans une grande fraternité.<br /> <br /> <br /> Je tenais à vous partager cela.<br />
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F
<br /> Bonjour cher ami Le blogmestre de G&S,<br /> fanfan vous remercie pour le bravo. J'ai trouvé votre petite interrogation pleine d'un sain et saint humour.<br /> Je ne sais plus qui a écrit:" il n'y a rien de plus triste qu'un triste saint!"Alors...<br /> Personnellement je trouve que  l'impertinence pratiquée dans ce cas de figure  est loin d'être le signe d'un manque de respect...mais plutôt le signe d'un esprit sain et éclairé.<br /> <br /> <br /> fanfan<br />
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F
<br /> Oui, nous sommes tous dans l’espérance, fondée sur les deux signes inattendus qui accompagnent  l’élection de ce nouveau pape : son nom François (tout un programme de vie) et sa<br /> formation jésuite (une grande ouverture et une maîtrise  intellectuelle particulièrement poussée).<br /> Maintenant, il incombe à chacun de nous de  l’accompagner par nos prières dans cette lourde tâche…<br /> Francine Bouichou-Orsini<br />
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L
<br /> Eh oui, voici ce que j'avais osé propose aux lecteurs :<br /> "chronique écrite avant l'élection mais prémonitoire. Cherchez pourquoi et dites-le en commentaire" <br /> Et Fanfan a trouvé la réponse. Bravo et mille excuses aux lecteurs qui auraient pu être un peu choqués par tant d'impertinence.<br />
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P
<br /> Je ne suis pas convaincu que le pape François soit sur la même ligne que le regretté cardinal Martini, mais un pape qui appelle de ses voeux une Église pauvre au service des pauvres et qui en<br /> donne des signes tangibles, quel chemin parcouru depuis Pie XII ! <br /> <br /> <br /> Il reste, non pas à se crisper sur Vatican II, mais à l'accomplir et le dépasser, car ce concile était celui d'un compromis entre deux visions théologiques, l'une figée dans une conception qui<br /> devait beaucoup à la contre-réforme, l'autre ouverte à un souffle gros d'une nouvelle réforme respectueuse de la tradition : il est temps de conforter ce vent de l'Esprit en travaillant à dire le<br /> Dieu de Jésus-Christ dans un langage audible et à en donner une image désirable aux hommes et aux femmes du 3° millénaire.<br /> <br /> <br /> Pierre Locher<br />
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F
<br /> Elle a profondément à voir avec<br /> le mouvement de confiance en la vie qui s’exprime dans une paire de poumons en ordre de marche.<br /> <br /> <br /> Ce n'est pas manquer de<br /> souffle que de relever cette phrase puisque le Pape qui vient d'être élu François, n'a plus qu'un poumon et ce depuis l'âge de 20 ans...Ce sont les journalistes qui l'ont écrit , répercutant une<br /> information" ordinaire"..On peut dire que la réalité dépasse la fiction! voilà un "clin Dieu" à mes yeux!!!<br /> <br /> <br /> fanfan<br />
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R
<br /> Un Jésuite ! et de plus sud-américain !<br /> <br /> <br /> On serait tentés de dire ...si ce n'était des prêtres.<br /> <br /> <br /> Mais, en l'occurence, disons plutôt < Après toutes ces admonestations, ces humiliations, subies  de la part de la haute hiérarchie romaine, quelle victoire de la foi évangélique pour<br /> ceux, restés là-bas fidèles au petit peuple de Dieu qui souffre.  Et auusi, un encouragement dans l'espérance pour ceux d'entre nous qui avons craint que ces 115 vieillards, enfermés<br /> derrière les murs de la Sixtine,n'oseraient pas !<br /> <br /> <br /> Jorge Bergoglio, drappé aujourd'hui dans la tunique de François, a dû longtemps cotoyer Mgr Martini et réfléchir sur les propos de celui-ci. S'il sait ouvrir la valve depuis la puissante<br /> respiration qui monte de la base des croyants, LE RETOUR, comme disait Dieu à Jérémie devrait se mettre en marche.<br /> <br /> <br /> Puisse t-Il ne pas nous décevoir !!<br /> <br /> <br /> RK<br />
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F
<br /> « Un vrai croyant peut se définir comme une personne chez qui la fonction vitale de la respiration<br /> théologale est à peu près en état de marche » . Cette citation de F.<br /> Boesplug nous rappelle un caractère essentiel de la foi : son caractère vital.<br /> <br /> <br /> Chacun de nos engagement vitaux<br /> repose sur la foi : vis à vis des autres comme de Dieu : partout où s’opère une rencontre. Nous ne pouvons vivre sans croire.<br /> Pourtant, cette nécessité  vitale, qui  cependant n’est pas<br /> de l’ordre de la certitude, s’accompagne de doute. Le doute face au risque encouru avec l’engagement amorcé… Mais, ce doute qui exprime aussi la valeur incomparable de l’engagement, la beauté de<br /> la confiance et du don,  libre et gratuit. C’est le propre de l’homme.<br /> <br /> <br /> Francine Bouichou-Orsini<br />
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