Un « Festival de la Transition » vers de nouveaux modes de vie

Publié le par G&S

Dans son ouvrage intitulé L’Argent, Dieu et le Diable, Jacques Julliard analyse comment l’argent a dissout les trois éthiques constitutives de notre histoire européenne : l’éthique aristocratique de l’honneur, l’éthique chrétienne de la charité, l’éthique ouvrière de la solidarité.

Ces trois éthiques posaient le primat de valeurs collectives sur les intérêts purement individuels. Or, constate-t-il, « l’argent a littéralement dynamité ces trois éthiques et la bourgeoisie a été l’agent historique de cette dénaturation des valeurs. Certes, pour que la société tienne ensemble le monde bourgeois est bien obligé d’aller puiser dans le stock des valeurs accumulées avant lui sous les anciens codes éthiques. Mais, comme le monde industriel actuel épuise sans les renouveler les ressources naturelles accumulées dans le sous-sol pendant des millions d’années, le monde bourgeois fait une effrayante consommation de conduites éthiques non renouvelables » 1.

Les récentes crises financières ont mis en lumière à quel point le système financier mondial était étranger aussi bien à l’honneur qu’à la solidarité et à la charité.

Régulièrement, des responsables politiques ainsi que les médias dénoncent ces errements. Dans un article paru en 1993, intitulé L’argent est-il devenu fou ?, Philippe Leconte, président du Conseil de Surveillance de la société financière la Nef (Nouvelle Économie Fraternelle), analysait déjà les limites de ces indignations, car elles taisent souvent nos propres responsabilités. « Ne faut-il pas s’interroger sur la responsabilité que nous avons tous sur l’argent que nous détenons ? L’argent n’est-il pas devenu fou, simplement parce que nous l’avons abandonné ? Les opérateurs financiers qui ont pour rôle de le faire circuler n’ont pas reçu de notre part d’autre consigne que celle d’en tirer le maximum de profit ». Dans le contexte néolibéral d'aujourd'hui, cela ne cesse de produire des métastases cancéreuses spéculatives suivies de krachs boursiers et de faillites individuelles et collectives.

Aussi de plus en plus de personnes prennent-elles conscience de la nécessité de se changer elles-mêmes pour contribuer à changer le modèle économique et social dominant. Si l’impulsion est d’abord individuelle, ces personnes cherchent ensuite à élaborer collectivement des outils de préservation et de régénération des biens communs. Plutôt que de rester dans l’attente d’un changement « venu d’en haut », elles choisissent d’agir concrètement à leur niveau, individuellement et collectivement.

À l’initiative de La Nef  2, plusieurs mouvements citoyens ont organisé, à l’occasion de leurs assemblées générales lors du week-end de la Pentecôte à Cluny 3, un Festival de la transition, sur le thème des « Biens Communs ». Ces mouvements s’accordent pour dénoncer, non pas de simples « excès » de la finance, mais la confiscation du sens des réalités économiques et sociétales par la seule mesure financière.

Face à un système financier mondial opaque qui s’enferme dans des schémas mathématiques complexes et spécule sur le désir insatiable de l’être humain d’amasser de la richesse, ces mouvements citoyens refusent de se cantonner dans l’indignation critique et vertueuse ou dans le refuge au sein de milieux protégés.

Ils créent des outils pour permettre d’aider chacun à exercer sa responsabilité par rapport à la circulation de l’argent et à favoriser ainsi la transition vers de nouveaux modes de vie.

Bernard Ginisty

1 – Jacques JULLIARD : L’Argent, Dieu et le Diable, Éditions Flammarion, 2008, p.30

2 – Cf. l’ouvrage de Nathalie Calmé : Économie fraternelle et finance éthique. L’expérience de La Nef, Éditions Yves Michel, sortie en librairie en octobre 2012. En souscription auprès de l’Association Adivasi (qui travaille avec les paysans du mouvement indien Ekta Parishad) BP 29  03120 Souvigny au prix promotionnel de 19 euros plus 4 euros de frais de port. Pour plus de renseignements : luttespaysannesindiennes@yahoo.fr

3 – Ces mouvements sont :

La Nef, mouvement citoyen visant à remettre la finance au service de l’économie. Ce mouvement réunit une association créée en 1978, une société coopérative de finance solidaire créée en 1988 qui réunit 30 000 sociétaires qui lui confient 240 millions d’euros d’épargne et une coopérative de finance éthique créée en 2009 pour porter le projet de banque éthique coopérative européenne. <http://www.lanef.com>.

La Foncière Terre de Liens qui a pour objet de collecter de l’investissement solidaire pour acquérir des biens immobiliers en milieu rural pour en assurer sur le long terme une gestion sociale et écologique. L’épargne récoltée est de 25 millions d’euros et a permis l’achat de 2500 hectares de terres pour l’installation de 100 exploitations agricoles destinées à l’agriculture biologique et paysanne.  (www.terredeliens.org <http://www.terredeliens.org>).

Énergie partagée est un fonds  d’investissement d’un montant de 4 millions d’euros qui finance des projets locaux de production d’énergie renouvelable et de maîtrise de l’énergie pour participer à la transition énergétique <http://www.energie-partag%C3%A9e.org>.

Bâti cité est un fond d’investissement récent dont la vocation est de démultiplier le nombre d’habitats écologiques et de faciliter l’accès à un habitat de qualité au plus grand nombre <http://www.bati-cites.fr>.

Publié dans Signes des temps

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