Twixt
de Francis Ford Coppola
Avec Twixt le cinéaste américain Francis Ford Coppola (né en 1939), tellement célébré pour des films comme Le Parrain (1972) et Apocalypse now (1979), nous offre à nouveau un grand film mais dans un genre bien différent, qui pourra dérouter de nombreux spectateurs, et pour deux raisons :
- Ce n’est nullement cette fois un film à grand spectacle, mais l’histoire compliquée d’un écrivain sur le déclin, dont les rêves (en noir et blanc) nous entraînent en plein fantastique, avec fantômes, vampires, apparition d’Edgar Allan Poe, tout ceci pas toujours bien maîtrisé.
- Et puis, deuxième raison , c’est ailleurs que dans les sautes de style du scénario que réside l’intérêt du film. Si on l’accepte tel qu’il est, alors on ne peut qu’être touché et même ému.
Par ses qualités esthétiques d’abord : certaines (pas toutes) des scènes en noir et blanc sont de grands moments de cinéma ; elles sont éblouissantes de beauté, de poésie, d’ouverture vers le rêve, vers le mystère, vers ce qu’il y a d’énigmatique dans l’existence humaine.
Ce n’est pas par hasard qu’on est ici sous le patronage d’Edgar Allan Poe, de Baudelaire et de Walt Whitman. Les acteurs, Val Kilmer et la toute jeune Elle Fanning sont excellents.
Mais ce film retient surtout par les thèmes qu’il soulève. Ici, ce sont vraiment les images elles-mêmes qui parlent, les symboles qui donnent à penser. Enfouie au cœur du film et source de l’émotion qu’il provoque, se cache la perte d’un enfant et la culpabilité qu’elle fait naître souvent chez les parents, expérience bouleversante vécue par Coppola lui-même et qu’il projette dans l’histoire racontée.
Puis c’est la place des rêves dans la vie et l’imagination d’un créateur, le retour du refoulé, thèmes qu’on trouvait déjà chez David Cronenberg dans A dangerous method.
Et Coppola propose encore une réflexion sur le temps (avec ce beffroi qui comporte cinq horloges, on est proche du Martin Scorsese d’Hugo Cabret), sur la vérité, sur le dégoût du métier et le retour de l’inspiration (cette fois on pense à Wim Wenders et à son Don’t come knocking).
De multiples manières, souvent imparfaites, Francis Ford Coppola manifeste qu’il n’a rien perdu d’une belle capacité créatrice.
Jacques Lefur
16 avril 2012