Trop bien faire… ou ne pas faire ?
« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. »
(Luc 10,41)
Dans un village Marthe possède une maison.
Elle aime sans doute bien accueillir.
Elle met dit-on « les petits plats dans les grands »
Elle reçoit chez elle Jésus qui fait route avec ses disciples.
Marthe a une sœur qui s’appelle Marie. Toutes deux n’ont pas le même tempérament.
Marie semble plus silencieuse. Elle écoute.
Quand Jésus passe, elle peut rester assise à ses pieds. Elle boit ses paroles.
Elle en oublie les taches domestiques. En elle, une autre manière d’accueillir !
Elle laisse à Marthe le soin de cuisiner et de servir à table. Elle écoute…
Elle tient ‘compagnie’ à l’hôte. Elle écoute
On dirait que son travail est d’écouter et de s’intéresser à « celui qui passe. »
Il parle parce qu’elle écoute.
Les deux sœurs sont portées à une vraie convivialité. Elles aiment recevoir ; toutes deux sont « disponibles » mais pas de la même façon.
S’il n’ y avait que des Marthe autant à aller à l’auberge qui sert aussi de bons plats bien cuisinés.
S’il n’y avait que des Marie, on maigrirait vite et les marcheurs ne referaient pas leurs forces. Et puis manger et être bien servi crée la fête d’être ensemble et de se nourrir du même « repas ». Marie semble « ailleurs », un peu hors du temps et des médiations humaines.
Mais la maison de Marthe mérite qu’on s’y arrête parce qu’ici on mange et on écoute. Marie, si différente de Marthe, demeure avec elle et n’agit pas comme elle. Mais toutes deux donnent ensemble la vraie hospitalité.
Réussite de la vie communautaire !
Nourriture humaines et attention affectueuse. Parole de Dieu et Eucharistie ?
Peut-être une sorte de parabole ?
Qui sont Marthe et Marie ? Je ne sais
Habitent-elles à Béthanie ? Je ne sais
Sont-elles les sœurs de Lazare ? Je ne sais
Je crois simplement qu’elles ont ensemble un message pour nous.
Il est difficile de terminer cette méditation sans la compléter par deux conseils.
Il semble que Marthe en fait trop. Elle désire trop que tout soit impeccable. Elle se fatigue trop. Il y a en elle de l’excès. Il lui manque un brin de simplicité. Un peu d’espace. Un zeste d’indifférence. Elle court après la perfection et se fatigue en vain, ce qui l’amène à gémir. Trop d’acharnement à bien faire use la pratique. Un certain laisser-aller que d’autres appellent la « fortune du pot » favorise la présence. Le « petit peu imparfait » de chaque jour permet de durer longtemps et d’accueillir souvent, sans lassitude, épuisement, récrimination.
Il semble que Marie n’en fait pas assez. Elle ne prend pas assez en compte les contingences matérielles. Ce serait grand dommage pour elle si elle les méprisait.
On ne peut aller à la Résurrection sans passer par l’Incarnation.
Et puis sous prétexte que t’est échue la meilleure part ne transforme pas ta sœur en esclave.
L’illusion mystique dévorerait la bienfaisante adoration…
Christian Montfalcon