Semblable
Commentaire de Matthieu 22,39
Les Sadducéens qui sont « contre » Jésus les alliés objectifs des pharisiens ne s’entendent pas du tout avec eux en matière religieuse et spirituelle. Même hypocrites, les pharisiens sont ouverts et vivent une spiritualité forte à la recherche de Dieu ; les sadducéens sont « obsédés » par la pratique de la loi. Matthieu connaît très bien le contexte et nous le constatons simplement en comparant le type de questions que les adeptes des « deux courants » posent à Jésus.
Restons à méditer sur verset 39 du vingt-deuxième chapitre du premier des évangiles synoptiques. On peut lire que le second commandement de l’amour du prochain est « semblable » au « grand et premier commandement » qui appelle à aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son Esprit.
Que signifie ici « semblable » ? Le mot grec employé signifie aussi « égal » ce qui en aucun cas ne veut dire « identique ».
Bien que la TOB et des auteurs éminents mettent en garde contre la traduction de « égal », je la préfère (ce qui ne signifie pas que j’ai raison) et en quelques lignes je veux dire pourquoi.
Trop marqué sans doute par les mystiques rhénans et leur courant théologique et spirituel de la « divinisation », j’ai tendance à croire que l’Incarnation de Dieu en la personne de Jésus donne aux humains la chance d’être de la « famille divine », frère de Jésus.
Dieu-Trinité a établi sa demeure
- en chacun de nous : les humains
- et parmi nous : toute l’humanité.
Certes beaucoup d’hommes et de femmes ne le soupçonnent pas, beaucoup ne le reconnaissent pas, mais la foi des baptisés (au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit) les appelle à « croire » que les humains sont aimés « gracieusement » au point que Dieu les habite dans le « dialogue Trinitaire » et par ce don gratuit les a rendu chacun et ensemble « un et relation d’amour ». Saint Irénée l’enseignait déjà !
S’aimer soi même n’est pas ‘égotisme’ mais admiration du don de Dieu qui s’incarne (Maître Eckart me semble évoquer cet aspect de la mystique chrétienne). Aimer son prochain comme on s’aime soi-même est en même temps une exigence de la nature mais aussi de la foi, puisque lui et moi sommes :
- par le fait d’exister « terreux de la même terre
- par grâce des « proches en Dieu »…
Le mystique pourrait presque dire que nous avons tous en commun « d’être des divinisés ». En Dieu « Création et Incarnation sont du même élan, de la même Parole et du même Esprit ».
Si nous nous référons toujours à l’évangile de Matthieu au chapitre 25 versets 31-46, nous pouvons lire : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu affamé, assoiffé, étranger, nu, malade, prisonnier… Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » Le Roi dépeint dans le tableau du Jugement des nations c’est Dieu dans sa justice et sa miséricorde.
Et si Matthieu évoquait la « divinisation » qui fait qu’aimer Dieu et le Prochain se situe dans une sorte ‘d’égalité’. La grâce ne supprime pas la nature, l’assume complètement, lui donne sa pleine stature autonome et de plus une somptuosité qui est un secret d’amour…
Christian Montfalcon