Se compromettre
La foi conduit sans doute à se « DÉCLARER » comme un fidèle du Christ devant l’un ou l’autre qui nous interroge à propos d’une parole que nous avons prononcée ou d’une action que nous avons menée. Si un baptisé ne prend pas position publiquement pour le Fils de l’Homme, s’il ne se compromet ni à ses propres yeux, ni vis-à-vis de ceux qui l’entourent et le connaissent, alors il ne va pas jusqu’au bout de sa foi.
Je ne parle pas de “propagande” ou de “communication” tapageuse, je veux parler de témoins qui expliquent humblement leur relation d’amour avec le Christ. Ils n’enrôlent pas mais ils sont intrépides c’est-à-dire sans peur. Ils dévoilent ce qui les fait vivre et comment la foi les structure et les épanouit au long des semaines et des mois.
Tout cela se fait dans la discrétion sur un ton de confidence, pour répondre modestement à une question posée par l’une ou l’autre personne des « alentours »
Le “croyant” devient “fidèle du Christ” certes par le baptême mais par voie de conséquence en avouant son amour et en laissant apercevoir comment sa relation originale avec Jésus se traduit par des gestes ou des paroles publiques qui le situent au milieu de la société.
Il ne redoute pas le ridicule car il aime.
Se déclarer clairement comme « ami » de l’Évangile et solidaire d’une communauté ecclésiale lui procure de la joie. Il sait très bien qu’il peut faillir. Il n’a aucune illusion sur les scories des Églises mais il compte sur le réconfort de Dieu, son pardon et le soutien des autres chrétiens pour traverser l’usure du temps.
À mon sens les trois syllabes de « compromettre » signifie que l’on se “tient” devant d’autres. C’est ainsi que l’on devient témoin, sans honte, sans rouge au front et « sans gloire ».
Prendre position librement s’enracine dans le courage et le fortifie. Dévoiler humblement sa foi affirme et grandit sa personnalité et ouvre la discussion sur « les pourquoi » d’une telle démarche.
Accepter d’être connu et reconnu arrache à la monotonie et suscite une nouveauté non seulement pour soi-même mais pour tous ceux et celles qui en prennent acte. On devient objet d’interrogations.
Allons encore plus loin et dépassons la relation d’une personne seule devant son entourage.
C’est « en se compromettant ensemble » devant ceux et celles qui les voient vivre au quotidien que les disciples du Ressuscité se convertissent et entrent en Eucharistie.
Chaque baptisé, selon son histoire et sa personnalité aimante se laisse dévorer des yeux, il n’argumente pas pour convaincre, il n’a rien à prouver, il se situe humble et désarmé dans un monde hostile, indifférent ou en sympathie. L’honneur de Dieu lui importe, sa douceur signifie l’absolue tendresse de l’Incarnation.
Ainsi, depuis longtemps tel ou tel « Fidèle du Christ » chemine sous le regard de ceux avec lesquels il partage la simple vie journalière. Il risque de n’étonner plus personne, il fait partie du décor. Bien des fois on le juge original et beaucoup l’enferment dans l’insignifiance. On sourit même de ses pratiques ou de ses réflexions,
Mais
le jour où avec un ou plusieurs membres de sa communauté,
ils prennent ensemble la parole,
ils agissent ensemble avec force et douceur,
ils expliquent ensemble en mots simples l’amour qui les motive
ils campent ensemble dans la bonté qui prend soin de la multitude
alors l’opinion se réveille,
les écailles tombent des yeux des habitués de la marche commune ; stupéfaits par la fécondité du comportement de ceux ou de celles dont ils partagent la vie ordinaire, ils se posent la question fondamentale : Est ce que c’est l’amour de Dieu qui les appelle à se situer dans la Paix, la Justice, la Bonté et de Désintéressement ? Quel est donc leur secret ? Ils prennent alors la parole, les questions fusent…
Les témoins témoignent et rendent comptent de l’Espérance qui est en eux. Ils se « compromettent »
Il y a donc un moment, un temps, un jour, un point critique où la lumière peut humblement se faire, où l’Esprit ouvre le cœur des uns et donne force intérieure aux autres.
Nous ne savons pas l’heure de la Révélation mais je crois que le Christ dans son amour entraîne les baptisés jusqu’au matin des langues de feu. À cette Pentecôte on moqua les apôtres. On les railla : “ils sont pleins de vin doux”. Eux, simplement sortaient de la peur et Pierre prenant la parole devant tous, « se compromit » en racontant la Mort et la Résurrection du Christ.
C’était leur foi commune, paisible et humanisante.
Christian Montfalcon