Redonner souffle au sens de la fête
Alors que j’écoutais distraitement la radio la veille de Noël, mon attention fut tout à coup éveillée par la voix d'une jeune femme partageant le nouveau regard sur les fêtes que ce temps de crise lui permettait de porter.
« Mes finances sont à bout de souffle, disait-elle, mais cela m'a permis de redonner sens au mot cadeau. »
Cette jeune maman de trois enfants racontait tranquillement comment, devant l'impossibilité de pouvoir gâter chacun à la hauteur de ce qu'elle faisait habituellement, elle avait décidé dès le mois de juillet de penser à confectionner les présents que son budget bien réduit cette année lui permettrait d'offrir aux siens.
D'un ton paisible elle exprimait combien, depuis des mois, elle préparait confitures, pates de fruits (dont elle récupérait les recettes sur internet), confectionnait porte-serviettes, taies d'oreiller qu'elle brodait au point de croix. Sa voix n'était ni désabusée ni contrite, simplement vive et gaie à la hauteur de la joie qu'elle ressentait de découvrir en elle des talents méconnus jusqu'alors et de penser à chacun avec tendresse.
À l'interrogation du journaliste quant à la réaction de ses enfants, c'est d'une voix tranquille qu'elle exprima combien avait été doux le moment où elle leur avait dit que la fête serait cette année différente, que le sapin de Noël ne croulerait pas sous les jeux vidéo ou les mp3, mais que leur cadeau serait de partager la joie d'être ensemble, de réunir la famille et qu'elle les invitait à penser aux êtres qu'ils aimaient comme une personne unique qui recevrait le cadeau unique : celui qu'ils auraient eux-mêmes fabriqué. Pas de foie gras, ni d'huîtres sur la table, mais un pâté de volaille confectionné ensemble et un roulé à la confiture de mirabelles cueillies cet été.
Des finances « à bout de souffle » avaient permis de « redonner souffle » au sens de la fête. La valeur du cadeau n'était plus marchande mais affective.
La plupart du temps notre air est tellement bien oxygéné qu'il nous paraît tout à fait normal de respirer nos 20 à 25 fois par minute, d'aspirer quotidiennement nos 12 000 litres d'air et d'absorber nos 2 500 litres d'oxygène. Or, les moments où l'air se raréfie, où nos poumons ont du mal à goûter cet air porteur de la vie, ne seraient-ils pas l'occasion, si nous en faisions le choix, de redécouvrir la joie de respirer largement ?
Un corps à bout de souffle peut offrir l'opportunité de manifestations de tendresse, d'amitié, de disponibilité. Même si on est cloué sur un lit, l’expérience de la limite peut ouvrir à l'infini de possibilités inattendues.
Il arrive même parfois que la douleur lancinante, obsédante, d'une nuit solitaire, permette d'entendre « le murmure d'une brise légère » rien qu'en regardant bouger les feuilles d'un arbre.
Encore une histoire de Souffle me direz-vous ?
Marie Ève