Qumrân, les ruines de la discorde

Publié le par G&S

Simone et Claudia Paganini
Bayard, 2012, 300 p., 19 €

Au milieu du siècle dernier, une nouvelle avait fait sensation : la découverte des Manuscrits de la Mer Morte cachés dans des grottes proches du site archéologique de Qumrân.

Très vite, on avait identifié ces ruines comme étant celles d’une sorte de monastère où, dès le IIe siècle av. JC, vivait, loin du monde, une communauté essénienne vouée à l’étude des Écritures et à la copie de manuscrits sur des rouleaux de parchemin qu’elle avait voulu protéger de l’envahisseur romain en les cachant au fond des grottes.

Qumran-les-ruines-de-la-discorde.jpgLe présent ouvrage, dû à la plume érudite d’un spécialiste, risque de faire l’effet d’une bombe auprès du public assez large auquel il souhaite s’adresser dans une langue très accessible. D’emblée, il pose des questions audacieuses : et si Qumrân n’était pas un couvent austère, mais un centre commercial et agricole situé dans une région qui n’était ni inhospitalière, ni déserte ? Et si les manuscrits, loin d’être produits sur place et de constituer la bibliothèque du monastère, avaient été transportés, de Jérusalem ou d’ailleurs, en 68, pour  être mis à l‘abri des Romains, mais dans la hâte et la confusion, comme le prouve l’absence totale de classement ? Et quel genre de contact a-t-il pu y avoir entre Jésus, Jean-Baptiste et les habitants de Qumrân ?

La démonstration est passionnante : l’auteur commence par narrer l’histoire de la découverte et de la publication des manuscrits. Très mouvementée, elle se déroule dans un contexte politique, économique et scientifique épineux : conflits entre nations pour la propriété des manuscrits, conflits d’intérêts entre ceux qui en font une affaire d’argent (Bédouins, antiquaires affairistes), difficultés pratiques (peu de rouleaux intacts).

Alors, comment assembler, déchiffrer et dater ces milliers de fragments, à un moment où les techniques archéologiques n’avaient pas atteint leur niveau actuel ? Sans jeter la pierre à l’équipe initiale dirigée par le P. Roland de Vaux, l’auteur dénonce ses défauts et surtout son imagination fertile qui construit la thèse peu vraisemblable du monastère essénien. Et comme les publications ont tardé, les rumeurs les plus folles couraient, par exemple sur le secret prétendument imposé par le Vatican !

Le second point, tout aussi passionnant, c’est la présentation des contenus. Devant leur extraordinaire diversité, il est difficile de penser qu’ils appartiennent à une seule et même communauté. Voilà qui révolutionne notre connaissance des textes bibliques, mais aussi du judaïsme ancien et de la multiplicité de ses tendances.

Sans oublier l’éclairage remarquable apporté à telle ou telle parole du Christ, et la parenté de son enseignement avec certains rouleaux (comme le rouleau du Temple).

Bref, une mine immense que linguistes, archéologues, exégètes et théologiens n’ont pas fini d’explorer pour reconstituer à la fois le milieu intellectuel et spirituel du judaïsme ancien et celui du christianisme naissant.

Isabelle Vissière

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