Quelle place peuvent «revendiquer» les laïcs dans l'Église ?
Après la marche du Comité de la jupe, qui a rassemblé près de 400 personnes dimanche à Paris, ses fondatrices ont annoncé la naissance d’une « Conférence des baptisés de France », avec la prochaine tenue d’états généraux, demandant une plus grande responsabilité des laïcs et la « stricte parité » hommes-femmes dans l’Église catholique. Pour le P. Laurent Villemin, professeur d’ecclésiologie au Theologicum de l’Institut catholique de Paris, il est dommage que la question de la place des laïcs dans l'Église soit posée en termes de revendication.
« Cela me gêne que la question soit posée en termes de revendication. Cette formulation induit immédiatement une problématique de droits et de pouvoirs à réclamer. Même si la question du pouvoir se pose dans l’Église – je ne veux pas l’exclure –, il me semble regrettable de la traiter uniquement sous l’angle politique, comme on l’aborderait dans une assemblée représentative ou dans un syndicat.
« C’est oublier que la constitution de l’Église est fondée sur l’Esprit. Le pouvoir, dans l’Église, renvoie à une autorité de Dieu. Or, pour les prêtres comme pour les laïcs, les diacres ou les religieux, la question est : qu’est-ce qui me conduit à parler avec autorité au nom de Dieu ?
« En outre, je ne crois pas que les laïcs soient une entité uniforme : ils recouvrent des sensibilités ecclésiales, des appartenances politiques très différentes, des origines géographiques ou des milieux sociaux très divers. Je suis donc circonspect à l’égard d’un mouvement unique de revendication. J’ai approuvé l’initiative du Comité de la jupe, qui conduit à donner la parole et à faire valoir des points de vue sur la place publique. »
« L’Église ne peut pas s’appréhender sous un seul angle »
« En revanche, je suis gêné davantage par cette dénomination de “Conférence des baptisés de France ”, qui semble viser à réunir tous les mouvements de baptisés. Le parallèle avec la Conférence des évêques de France ne me paraît pas très heureux : en donnant l’impression de s’opposer aux évêques, cela ne permet pas de faire comprendre ce qu’est un ministère. On paraît oublier ainsi que le Code de droit canonique prévoit que se tiennent des conciles provinciaux ou pléniers dans lesquels chaque membre de l’Église peut occuper une place. Je rejoins le Comité de la jupe quand il déplore le manque de synodalité dans l’Église, mais je ne pense pas que les critiques contre les évêques puissent la faire progresser.
« De même, la participation des baptisés dans l’Église suppose une formation théologique, une pratique habituelle des sacrements et de la Parole de Dieu, ainsi qu’un engagement ecclésial. L’Église ne peut pas s’appréhender sous un seul angle : l’intelligence, la prière ou la politique. L’originalité du christianisme est précisément de réunir les trois – le corps, le cœur et l’esprit. »
« Réfléchir à l'originalité du pouvoir dans l'Église »
« L’initiative du Comité de la jupe me semblait intéressante parce qu’elle contribuait à libérer la parole, en s’appuyant sur le réseau Internet. Notre Église, trop frileuse, a effectivement besoin d’une parole publique pour assurer sa mission dans la société.
« Ce genre d’initiative peut être un bon moyen de donner sa place à l’intelligence collective dans l’institution ecclésiale. Mais il serait dommage qu’elle s’enferme dans une logique unique de revendication, en termes de pouvoir ou de parité entre hommes et femmes. Il me semblerait intéressant que le Comité réfléchisse à l’originalité même du pouvoir au sein de l’Église. »
Propos recueilli par Bruno BOUVET
Journal La
Croix du 14.10.09
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