Que sait-on de Jésus ? (chapitre 2)
Le contexte historique : Jésus dans le judaïsme de son temps
1) Le judaïsme au temps de Jésus
On est plus sensible dans la recherche actuelle à bien situer Jésus dans les conditions culturelles, économiques et religieuses de son époque. Jésus était profondément inséré dans le judaïsme de son temps, on le perçoit mieux que jamais, un judaïsme qui avait quelques caractéristiques fondamentales :
- la confession d’un Dieu Unique, qui avait fait alliance avec Israël.
- des rites et des institutions exprimant cette foi d’Israël, en particulier l’importance de Jérusalem et du Temple,
- son Écriture Sainte, en particulier la Torah comme fondement, déjà traduite en grec dès le deuxième siècle avant J.C.
- l’attente que Dieu rétablisse sa souveraineté sur Israël, que Dieu soit vraiment le Roi d’Israël (cf. les Psaumes), l’attente du Règne de Dieu sur Israël et les autres peuples pour la fin
des temps,
- pour réaliser cela, Dieu se servirait sans doute d’un représentant, soit le Messie fils de David qui libérerait Israël de ses ennemis, soit le Fils de l’homme venu du ciel.
Tout ceci habitait aussi le judaïsme de la diaspora, le plus nombreux, imprégné de culture hellénistique. Mais à partir de ces éléments communs, le judaïsme du temps de Jésus était très diversifié, en des courants que nous connaissons : Pharisiens, Sadducéens, Esséniens, Baptistes, Zélotes…
2) Jésus était un Juif de Galilée
Il en était originaire, et l’essentiel de son ministère s’y déroula. On a beaucoup étudié depuis 20 ans le judaïsme en Galilée. La Galilée était une petite province un peu isolée de la Judée, mais où le judaïsme était redevenu très vivant depuis la reconquête par les Maccabées et imprégnait toute la vie, bien qu’elle soit entourée de régions hellénisées : la Décapole et les régions au Nord, vers Tyr et Sidon. Dans ces régions voisines, les Juifs n’étaient que des minorités. La Galilée, sous le règne d’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand (4av.- 39 après JC) traversa une période calme et de relative prospérité. Hérode prit soin de n’y construire aucun Temple hellénistique. Même dans sa première capitale, Sepphoris, à 6 km au Nord-Ouest de Nazareth et dans la seconde, Tibériade, au bord du lac de Gennésareth (ville jamais mentionnée dans le ministère de Jésus). La Galilée était en relations commerciales avec les pays environnants, et Hérode fait recueillir les impôts pour Rome par des percepteurs, et a des postes de douane aux frontières (Capharnaüm est une ville-frontière). Une seule révolte de Galiléens est mentionnée dans l’Evangile (Luc 13,1), réprimée par Pilate.
3) Le ministère de Jésus dans l’horizon de ce judaïsme de Galilée
- Jésus adhère intensément à la confession d’un Dieu Unique et à l’amour pour
Dieu comme premier commandement (Mc 12,29-30).Mais il est le seul dans le judaïsme de l’époque à y ajouter comme semblable le second, l’amour du prochain. Ce second commandement est placé avant
toutes les autres prescriptions de la Tora et en devient la clef d’interprétation.
- Jésus face à la Loi : Jésus a vécu complètement à l’intérieur de la Loi juive, sa valeur est pour lui une évidence, il discute seulement la manière de la mettre en œuvre. Ici Paul
sera différent de Jésus. Pour Jésus, l’alternative n’est pas : « suppression ou maintien », sa position est plutôt : approfondissement, retour à l’essentiel, recherche
constante de ce qu’est la volonté de Dieu. Exemples : les antithèses du sermon sur la montagne, et la parole : « Le sabbat est fait pout l’homme et non pas l’homme pour le
sabbat » (Mc 2,27). Jésus revendique ainsi une autorité personnelle pour interpréter la Loi, ce qui est perçu par ses contemporains comme une provocation.
- Jésus place au centre de sa mission l’annonce de la survenue du Règne de Dieu, liée à son activité. Pour cela, il crée un cercle de douze disciples, un signe qui fait d’eux le noyau d’un
nouvel Israël. Ce ne sont pas des gens pauvres, mais des membres de la classe moyenne, pêcheurs patrons de petites entreprises, douaniers. Comme Jésus, ils ont « tout quitté » (Mc
10,28) pour partir en mission dans tous les villages de Galilée. L’intervention salvifique de Dieu à la fin des temps, telle qu’elle est exprimée dans l’Écriture, se concrétise dans ce
ministère : les malades sont guéris, les démons sont chassés, Dieu se révèle tout proche : on peut le nommer « Père » dans la prière, il est proche spécialement des pauvres,
des malades, des méprisés.
- Que toute cette action comporte des implications politiques ou sociales est dès lors évident. Jésus ne s’oppose directement ni au pouvoir politique d’Antipas, ni à sa dépendance du pouvoir
romain, ni aux conditions sociales de la vie en Galilée, il annonce seulement la réalisation du salut promis par Dieu à Israël. Tout son ministère peut être interprété comme un renouvellement
d’Israël.
- son ministère est ainsi étroitement lié à sa personne. Il semble bien s’être désigné lui-même comme « le Fils de l’Homme », revendiquant ainsi pour lui-même une autorité qui
revient à Dieu. Ainsi quand il affirme que le Fils de l’Homme a le pouvoir de remettre les péchés. Par cette expression, il revendique d’être le représentant de Dieu sur terre. Cela contribuera
beaucoup à ce que ses partisans voient en lui le « Messie » d’Israël, le « Fils de Dieu », celui par lequel Dieu vient réaliser ses promesses.
Résumé d’un article en allemand de Jens
Schröter, Professeur pour le Nouveau Testament à l’Université de Berlin
mai 2012