Que sait-on de Jésus ? (chapitre 1)

Publié le par G&S

L’homme Jésus

La recherche historique concernant la vie et la mission de Jésus a fait d’immenses progrès depuis trente ans, elle atteint désormais un haut niveau scientifique. On ne peut certes pas écrire une biographie de Jésus au sens moderne du mot. Mais on peut parvenir à une excellente connaissance du message et de l’action de Jésus dans le contexte de la Palestine de son temps. Jésus aujourd’hui, comme personnage de l’histoire, est mieux connu que Socrate ou le Bouddha, aussi bien situé dans son contexte historique qu’Alexandre ou César. Mais cette recherche historique de haut niveau reste souvent l’affaire des spécialistes, historiens, archéologues ou spécialistes en exégèse du Nouveau Testament. Les livres de vulgarisation dont on parle le plus sont souvent très loin de ces études historiques, d’un haut niveau d’érudition.

Comment est-on parvenu à la possibilité de bien connaître l’histoire de Jésus ? En trois étapes.

1. L’esprit critique et la remise en cause des dogmes

Depuis le 18e siècle, mais surtout au 19e, sous la poussée de la raison, on a cherché à mieux connaître qui avait été Jésus dans l’histoire. Jusque-là dominait depuis des siècles la certitude de Jésus, Dieu fait homme, appuyée sur l’autorité de l’Eglise. Au 19e siècle, on s’intéresse à l’histoire et on cherche à écrire des vies de Jésus, la plus célèbre en France étant celle de Renan. Mais, en 1905, Albert Schweitzer (le célèbre Docteur Schweitzer de Lambaréné, qui avait été auparavant en Alsace un excellent exégète) avait établi que les diverses vies de Jésus écrites jusque là en apprenaient plus sur leur auteur que sur Jésus lui-même : chaque auteur projetait dans son écrit ses idées dominantes : on avait ainsi un Jésus « doux rêveur de Galilée » (Renan), un Jésus précurseur du socialisme, un Jésus maître de morale avant Kant, etc… Les données historiques solides ne permettent pas d’écrire une vie de Jésus.

2. La vérité dans la foi pure

Face à cet échec concernant l’histoire de Jésus, un grand exégète luthérien, Rudolf Bultmann, à la fois grand croyant et grand scientifique, proposa de revenir à la foi pure, la « sola fide » chère à Luther. Les Evangiles sont des oeuvres de foi, écrites par des croyants, ils sont portés par la foi des communautés chrétiennes où ils sont nés, ils n’ont nullement souci d’histoire au sens moderne du mot, donc ils ne nous apprennent pratiquement rien sur la vie de Jésus (sinon qu’il est mort crucifié, seul vérité historique indiscutable). Et d’ailleurs, c’est mieux ainsi, car la recherche historique relève de la curiosité, elle écarte de la vraie foi, qui consiste à accueillir le salut que Dieu nous accorde par Jésus-Christ.

Cette position s’imposa dans la recherche sérieuse dans toute la première moitié du 20e siècle.

3. Les critères d’une recherche historique scientifique

Dès 1953, dans une conférence restée célèbre, Ernst Käsemann, ancien élève de Bultmann, prenait ses distances à l’égard de la position du maître, en affirmant que des affirmations historiques sérieuses concernant Jésus étaient possibles. Pour lui, par exemple, les antithèses du Sermon sur la Montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… mais moi, je vous dis » reflétaient directement des paroles authentiques de Jésus. Il était d’ailleurs nécessaire de rejoindre des données historiques certaines concernant Jésus, sinon sa figure devenait une pure abstraction.

Ainsi relancée, et désormais aussi bien dans les milieux catholiques, grâce à Vatican II, que dans les milieux protestants, et même chez des historiens juifs ou non croyants, la recherche historique concernant Jésus a fait des progrès impressionnants. Oui, les Évangiles sont écrits pour faire naître ou grandir la foi. Comme pour tout écrit, on peut étudier le projet de son auteur, la communauté à laquelle il s’adresse, la vision théologique qui le porte. Mais chacun des Évangiles parle bien d’un personnage de l’histoire, Jésus de Nazareth, c’est toujours lui qui est au centre. Et les progrès de la méthodologie historique, de l’archéologie, de la connaissance du monde où vécut Jésus, de son enracinement dans le monde juif, de l’étude littéraire des textes anciens, permettent de mieux distinguer dans les Évangiles ce qui relève de la vision propre de chaque rédacteur et les données historiques sur lesquelles il s’appuie.

 Des critères précis de discernement de ce qui est proprement historique ont été peu à peu élaborés. On ne peut écrire une biographie de Jésus, car la chronologie n’est pas le souci des évangélistes. Mais on peut rejoindre de nombreuses paroles et de nombreux actes de Jésus, qui permettent de tracer de lui un portrait saisissant et de retrouver en lui une personnalité exceptionnelle.

4. Des ouvrages de référence

Cinq petits livres en français sont d’excellentes introductions à une recherche historique concernant Jésus. Ils sont écrits par d’éminents spécialistes des Évangiles, et il est significatif qu’ils soient de quatre pays différents et de confessions différentes : anglican, luthérien, puis trois catholiques : la recherche historique scientifique est aujourd’hui indépendante des frontières :

- Charles Harold DODD. Le fondateur du christianisme. Seuil, 1972

- Daniel MARGUERAT. L’homme qui venait de Nazareth. Ed du Moulin, 1990

- Charles PERROT. Jésus. PUF coll Que sais-je 1998

- Michel QUESNEL. Jésus, l’homme et le Fils de Dieu. Flammarion 2004

- Raymund SCHWAGER. Le drame intérieur de Jésus. Salvator 2011.

Il faut aussi bien sûr mentionner, comme travail d’érudition considérable :

John P. MEIER. Un certain Juif Jésus. Les données de l’histoire. 4 volumes sont traduits en français. Cerf, 2005-2009. (au total, 3300 pages). Titre original de l’ouvrage de ce catholique américain : « Jesus. A marginal Jew. Rethinking the historical Jesus » (publié de 1991 à 2009).

Vous remarquerez dans les chapitres qui suivent combien les études historiques proprement scientifiques sont aujourd’hui pleinement compatibles avec la foi chrétienne : il est parfaitement légitime, et cohérent avec ce qu’il a vécu et affirmé, de confesser, à la lumière de la Résurrection, que ce Jésus de Nazareth est d’origine divine et n’est autre que le Fils de Dieu au sens du Concile de Nicée.

Jacques Lefur
7 avril 2013

 

Publié dans DOSSIER JESUS

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