Petite musique d’été

Publié le par G&S

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Les deux prochains mois verront une majorité de Français prendre des temps de « vacances ». Par définition, ce temps est une rupture par rapport au quotidien de nos vies où nous risquons de nous épuiser “ le nez sur le guidon ”, quitte à nous doper d’illusions.

Dans le déluge d’images, de photos, de magazines, d’informations qui nous assaillent, c’est l’occasion d’essayer nous dire à nous-mêmes ce qui est essentiel et quel est le fil conducteur réel de nos existences. Les rythmes de l’été peuvent nous rendre attentifs à la musique intérieure, qui seule permet de surmonter la dispersion de nos informations et de nos actions.

J’évoquerai ici Mozart, un maître en la matière, que le théologien protestant Karl Barth écoutait chaque matin avant de se mettre à son travail. À ses coreligionnaires qui s’étonnaient de son admiration pour ce “ catholique et par-dessus le marché franc-maçon ”, Karl Barth citait le mot de l’Évangile : « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende » 1.

Ni marche militaire pour combattants, ni fond musical pour le confort des salons, ni refrains qui fleurent bon les vieux souvenirs, la musique de Mozart ouvre à l’écoute de ce qui en nous veut naître. Loin des rengaines sucrées de la marchandisation universelle ou des lamentos sans fin des déçus des idéologies, Mozart invite à aller chaque jour de l’ombre vers la lumière.

Méditant sur l’Incarnatus est de la Grande Messe en ut mineur écrite à l’occasion de son mariage avec Constance, la chère Stanzi, à laquelle il adressera des lettres d’amoureux jusqu’à la fin de sa vie, Philippe Sollers écrit : « Et homo factus est… Mozart n’en finit pas de s’enchanter de ce factus est. Factus est le vrai fœtus, une merveille. Quelqu’un a enfin réussi à le vocaliser » 2.

Mozart n’est pas un dévot, mais un fervent. Il faut n’avoir aucun sens de la musique pour chercher à opposer en lui le Chrétien profondément croyant, le Franc maçon ouvert à la fraternité des Lumières, l’amoureux au fort tempérament que révèle une correspondance passionnée.

Deux mois avant sa mort, revenant d'une représentation de son opéra La Flûte Enchantée il écrit ces mots à sa femme qui suivait une cure : « Je reviens à l'instant de l'Opéra ; il était plein comme toujours. Le duo Mann und Weib et le glockenspiel ont été bissés comme d'habitude. De même que le trio des jeunes garçons, au 2e acte – mais ce qui me fait le plus plaisir, c'est le succès silencieux » 3.

À un monde qui soigne son angoisse par le bavardage médiatique, le musicien introduit au silence où peuvent s'entendre les mots premiers qui font que le monde n'est pas, selon l’expression de Shakespeare, « une histoire contée par un idiot, pleine de fureur et de bruit et qui ne veut rien dire » 4.

Bernard Ginisty

1 – Karl Barth : Wolfgang-Amadeus Mozart 1756-1956. Éditions Labor et Fides, Genève, 1956, page 46
2 – Philippe Sollers : Mystérieux Mozart, Éditions Plon, 2001, page 34
3 – W. A. Mozart : Lettre à sa femme du 8 octobre 1791 in Correspondance, Tome V, ÉEdition Flammarion, 1992, page 251
4 – Shakespeare : Macbeth, Acte V, scène 5

Publié dans Réflexions en chemin

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