Pécheurs, péchés, pardon
« Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs »
Matthieu 9,13
La phrase de Jésus sur les justes et les pécheurs que rapporte Matthieu exprime, me semble-t-il, une évidence : Jésus appelle les pécheurs et non pas les justes…
Jésus seul est le seul Juste ; tous les humains, de tous les temps sont des « justifiés », ils sont devenus « justes » par l’Incarnation du Christ qui, par amour, a « gratifié » l’humanité et la création tout entière d’un statut exceptionnel : le sien.
L’Incarnation du Fils de Dieu n’a pas transformé les humains en « parfaits ». Mais elle a ouvert un chemin où tous les « mortels » imparfaits ou pécheurs peuvent accueillir le don parfait du Christ qui les appelle à ne faire qu’un avec lui dans sa Résurrection.
Nul n’est honteux, culpabilisé, déconfit, déshumanisé, méprisé et abject parce qu’il se reconnaît pécheur, qu’il est « mélangé » et pas encore arrivé à la Résurrection bienheureuse qui l’associera sans faille à l’intime perfection de Dieu.
Dans le temps, sans déshonneur, il vit à plein sa nature humaine et ne s’étonne pas de sa faiblesse.
Par contre, si dans la foi il n’est pas lucide sur lui-même et s’estime sans aucune faillibilité, il entre dans une sorte de mensonge permanent. Si quelqu’un, en effet, n’a nul accès à la contemplation d’un absolu (valeurs, humanisme, sagesse, foi…) autre que lui, il ne peut que se contenter de lui-même ; jamais il ne peut se reconnaître faillible ou défaillant et encore moins se reconnaître pécheur.
Pouvoir lire ses péchés en contre-point de la grandeur d’une « transcendance » ou de Dieu est un trésor de Vérité inestimable. Si dans une existence nulle comparaison n’est possible avec une proposition d’amour, la vie est un enfer d’enfermement et de solitude.
La lucidité, tempérée par la douceur, procure une joie et génère une grandeur de la Lumière sur soi et sur les autres. Vivre en paix sans nier son péché consiste à épouser la réalité humaine dans toute sa beauté paradoxale. La tendresse du regard de l’intelligence et du cœur préside à la relation avec soi-même et avec ceux et celles dont on partage l’existence journalière.
Un humain qui se reconnaît sans péché n’a sans doute jamais connu un appel de l’amour. Le péché est selon l’évangile, un amour volontairement contrarié.
Une vie sans une « sollicitation intérieure ou extérieure »
- au dépassement de soi,
- à la considération d’autrui,
- à l’offrande dépouillée,
- à la confiance,
- à la fidélité,
- à la relation pleine,
est une vie qui ne donne pas l’occasion du péché et donc de la véritable réponse concrète, libre et amoureuse.
Pour un baptisé, vivre sans risque de péché n’est plus vivre en chrétien.
Dans l’économie la foi chrétienne, je crois que le pécheur
- agit selon une conscience bien formée et délicate,
- ne manque pas de lucidité dans ses intentions et ses relations,
- sait sa faiblesse et son besoin de soutien,
- invoque l’Esprit de Lumière : paix et douceur des pauvres,
- regrette sa nonchalance à répondre à un appel de tendresse,
- avoue simplement ses insuffisances caractérisées,
- prend avec courage une voie de pénitence pour mieux accueillir le par-don,
- se réjouit de la miséricorde de Dieux et la célèbre.
L’aveu et le pardon sont des sommets d’amour et de confiance.