Mémoire de mâle

Publié le par G&S

J’imagine non sans plaisir, amis lecteurs, votre surprise et votre perplexité devant un tel titre : où veut-il encore en venir ? Je répondrai simplement que pour en venir quelque part il faut commencer par partir… du début : ouvrons donc le livre de la Genèse au chapitre 1 !

Ce livre commence par le fameux récit de la Création : « Dans un commencement, Élohim créa…, créa… créa… »  et ainsi de suite jusqu’au verset Genèse 1,27 : « Élohim créa l’être humain à son image, à l’image d’Élohim il le créa, mâle et femelle il les créa. »

Vous noterez que, contrairement à la plupart des bibles – qui écrivent des choses incompréhensibles et, de plus, erronées, sans doute volontairement, hélas ! – je n’écris pas qu’Élohim créa l’homme… homme et femme, mais l’être humain, mâle et femelle.

En effet, l’être créé, appelé l’adam (avec un article défini), est à la fois mâle et femelle. C’est cet être humain qui va devenir un homme et une femme séparés et autonomes au cours de ce qu’on appelle le 2e récit de la création (une espèce de zoom sur cet événement précis, en Genèse 2,21-24) auquel nous allons nous intéresser.

Création de la femme (Schnorr von Carolsfeld)Verset 21 : Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit...

Essayons d’imaginer ce tableau en regardant les choses en face. Que se passe-t-il ? Il s’agit d’une opération chirurgicale ! Dieu anesthésie l’être humain, qui s’endort ; il l’opère, referme la plaie ; l’homme se réveille.

Entrons dans le détail : en général, nous lisons dans nos bibles, quelles qu’elles soient : Dieu prit l’une de ses côtes, etc. Mais je vous en prie : j’aimerais que quand vous aurez lu cet article la côte d’Adam soit pour vous éliminée une fois pour toutes de votre champ de pensée !

Il est clair, il est évident que le mot hébreu que l’on traduit par côtetséla’ du verbe tsala’, pencher d’un côté, boiter – n’a jamais, au grand jamais, voulu dire côte, mais côté

Toutes les fois qu’on le rencontre dans la Bible, ce mot est traduit par côté ; c’est le côté d’un bâtiment, c’est le côté de l’autel. Une seule fois il est traduit par côte… et c’est dans ce texte ! Il n’y a aucune raison pour que ce qui est côté ailleurs soit côte ici !

Soyons clairs : le Seigneur Dieu prit un de ses côtés et referma la chair à sa place.

L’être humain est endormi, Dieu prend l’un de ses côtés, peut-être même la moitié, tout un côté (cette moitié qui, comme c’est bizarre, va devenir sa femme, sa moitié !) et il referme la chair à sa place.

Au verset 22 le texte ne dit pas que Dieu, de la côte qu’il avait retirée de l’homme, façonna une femme (Bible de Jérusalem), mais qu’il façonna le côté qu’il avait pris de l’être humain en une femme

Façonna est un mot beaucoup trop faible ! Le verbe banah signifie bâtir, construire (en Genèse pratiquement toutes les occurrences de ce verbe concernent la construction d’un autel). On pourrait dire : « Le Seigneur Dieu édifia le côté qu’il avait pris à l’être humain pour en faire une femme ».

Résumons : Un être humain a été fait de la poussière du sol, a été mis au milieu du jardin, a donc été sorti de la nature sauvage pour être mis dans ce jardin, pour être initié, on pourrait dire à la civilisation, puisque Dieu l’a mis là pour cultiver le jardin, pour l’organiser, pour nommer les animaux. Puis Dieu prend un côté, un morceau, une moitié de cet être humain pour édifier un être nouveau, qui sera la femme.

Oui, l’homme-mâle tel que le décrit la Genèse est bien un être constitué de ce qui reste d’une amputation de l’être humain primordial ; l’autre moitié de cet être, façonnée par Dieu, est la femme ! Et cela l’homme-mâle ne pourra jamais l’oublier

o O o

Arrivés à ce stade de notre étude, nous pouvons recommencer à faire un peu d’hébreu : cet homme que la Bible appelle ’yish est celui qui est désigné en Genèse 1,27 par le terme de mâle, en hébreu zakhar (prononcé, à peu près, zarar).

Le mot zakhar est issu d’une racine verbale homonyme qui signifie, comme par hasard… se souvenir !

Et, évidemment, l’homme-mâle se souvient !

De quoi peut-il bien se souvenir, cet homme-mâle « résidu » de l’opération par laquelle Dieu a façonné la femme, sinon de tout ce que nous venons d’évoquer ?

La conséquence de son opération chirurgicale est que, bien qu’il n’ait aucune cicatrice visible (ce n’est pas la séparation de deux siamois), il a un manque, une blessure, une mutilation, car l’homme et la femme qui en sont issus sont faits, chacun, à peu près de la moitié de l’être humain originel. C’est ce que nous dit la Bible. On peut donc penser qu’il y a un manque des deux côtés, sans faire de jeu de mots.

Ce que je m’apprête à affirmer va sans doute vous paraître bizarre, mais réfléchissez, surtout vous mes frères les hommes mâles : ce manque est sans doute particulièrement présent chez l’homme puisqu’il apparaît que ce que la Bible appelle l’homme, l’homme mâle est donc la partie « restante », « résiduelle », de l’être humain primordial à qui Dieu a retiré un côté.

La femme, façonnée par Dieu, est un être nouveau ; c’est donc l’homme, laissé tel quel mis à part une suture, qui se considère à juste titre amputé…

Je me demande si le complexe de castration, cher à notre ami Freud, n’aurait pas quelque raison d’être plutôt chez l’homme que chez la femme. N’est ce pas plutôt l’homme qui peut se souvenir de ses origines et ressentir la frustration d’être un être humain amputé de la moitié de lui-même ?

Hélas, cette mutilation, ce manque, l’amènent à quelquefois ressentir le besoin, qui peut être violent, de réintégrer en lui-même « son autre moitié », sa moitié, qui s’appelle la femme. Ce besoin de réintégration peut s’appeler simplement désir, attirance, sentiments normaux ; mais il peut aussi s’appeler possession, domination ; il peut même s’appeler viol...

Nous ne pouvons qu’en conclure, nous, mes frères les hommes mâles, sinon – même si c’est quelquefois difficile à admettre – que la femme, notre compagne, notre épouse, notre alliée féminine est beaucoup plus sophistiquée, beaucoup plus élaborée, beaucoup complexe que nous ; qu’elle est libre et indépendante. Si nous n’en tenons pas compte nous allons passer complètement à côté de notre vie de couple, à côté de notre vie sociale où les deux sexes se côtoient en permanence.

Donc, si nous pensons que la femme est comme nous, si nous pensons que sous prétexte qu’elle est de la même nature que nous, à l’origine, nous pouvons savoir ce qu’elle pense, nous nous trompons ! La femme n’est pas comme l’homme, la femme n’est pas la moitié brute de l’homme, mais elle est un être à la fois différent et de même nature : ni tout à fait la même, ni tout à fait une autreet m’aime et me comprend, ajoute Verlaine ! Alleluia !

On peut dire que tout ce qui, dans le monde moderne, tend à aller vers l’unisexe, y compris un certain type de féminisme, est parfaitement contraire à l’idée, à la vocation de l’être humain selon Dieu.

L’homme et la femme, issus tous les deux de la terre, min-ha’adamah, créatures, mais en lien avec Dieu – sont deux êtres à la fois différents et alliés.

Souvenons-nous en…

Verset 23 : L’être humain devenu homme se réveille et tout de suite il nomme la femme ! Il crie, il s’écrie : voici cette fois l’os de mes os, la chair de ma chair ! C’est-à-dire : Dieu, tu as bien travaillé, tu l’as construit cet allié dont j’avais tant besoin !

L’os de mes os est une expression très forte, qui veut dire : c’est moi, moi-même, au plus profond de mon être. Nous reviendrons plus loin sur le mot chair ; disons seulement que si Dieu n’avait pris qu’une côte la femme n’aurait que les os !…

Elle n’aura la peau sur les os qu’au verset 21 du chapitre 3 : Dieu leur fit des tuniques de peau… !

Donc, l’homme, quand il se réveille, reconnaît que cet être qui vient d’être créé est de même nature que lui et dit : et celle-ci on l’appellera femme, ’ishah.

Remarquons au passage que homme essaie de « récupérer à son profit » ce qu’il découvre, en disant qu’elle s’appelle ainsi parce c’est de l’homme, ’yish, qu’elle a été tirée, ce qui n’est pas tout-à-fait vrai, car elle a été tirée de l’être humain primordial, et non de l’homme-mâle !

Une-seule-chair.jpgLe verset 24 « commente » : C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme... La traduction classique n’est pas très bonne parce qu’on a là encore le jeu de mots ish-isha ; on pourrait traduire : c’est pourquoi chacun laissera son père et sa mère pour coller à sa chacune. Coller signifie être soudés l’un à l’autre pour ne faire qu’un (mais pas fusionner...).

C’est pourquoi, dit le texte… C’est parce que l’homme se souvient (et la femme aussi sans doute) qu’ils furent unis dans l’être humain primordial…

La femme a été créée par séparation d’avec l’être humain devenu homme (Dieu crée toujours en séparant) et elle va générer dans l’esprit de l’homme le désir de quitter son père et sa mère pour revenir vers elle au point de coller à elle. Il va être appelé à abandonner ses liens de sang, tout ce qui fait qu’il est ce qu’il est, puisqu’il est os des os, chair de la chair de son père et de sa mère, pour coller à sa femme.

Parce qu’il se souvient…

Notons au passage que le texte dit que l’homme, et seulement l’homme, ’yish, doit quitter ses parents ; PAS LA FEMME…

Mais coller jusqu’à quel point ? Au point de faire « chair une » !

Le mot hébreu basar veut bien dire chair ; il est aussi (par hasard ?) un verbe qui signifie : annoncer une nouvelle... et plus particulièrement une bonne nouvelle ! Le mot une est en hébreu ’échad (prononcé à peu près érad ) ; c’est le mot employé en Deutéronome 6,4 pour dire que Dieu est UN (affirmation récitée tous les jours par les juifs lors de la prière dite du Shema Israël )…

Le texte de la Création nous dit donc, en parlant de l’homme et de la femme : chacun laissera son père et sa mère pour coller à sa chacune ; et ainsi ils deviennent annonce d’une Bonne Nouvelle UNE.

Ils annoncent l’ÉVANGILE DE LA VIE !

Évangile se dit besorah en hébreu.

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Chers lecteurs… et « couples-lecteurs » en particulier… SOUVENEZ-VOUS EN !

René Guyon
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Publié dans DOSSIER MEMOIRE

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L
<br /> <br /> ah, d'accord... merci pour votre prompte réponse, je vais donc méditer là-dessus :) je fais connaissance avec le site, j'ai d'autres questions qui trouveront sans doute réponse ici du coup.<br /> merci!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Bonjour Lilou et merci pour votre question pertinente !<br /> Quand j'écris : « le mot hébreu basar veut bien dire chair ; il est aussi (par hasard ?) un verbe qui signifie : annoncer une nouvelle... et plus particulièrement une bonne<br /> nouvelle ! », je veux dire que le sens "premier" du texte est bien sûr " ils feront une chair une ", mais qu'il peut aussi s'entendre<br /> comme " ils seront une bonne nouvelle "... l'un n'excluant pas l'autre, bien au contraire !<br /> En d'autres termes, quand un homme et une femme sont « comme chair une » (aussi bien spirituellement que physiquement) Dieu considère<br /> cela comme Bonne Nouvelle (sens du mot Évangile).<br /> Dieu n'est pas du tout opposé à l'union charnelle des époux, cela est évident dans ce verset !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> bonjour!<br /> <br /> <br /> je n'ai pas tout à fait compris : je cherche une/LA signification du verset 24 du chapitre 3. "une seule chair" signifie "évangile"? en aucun cas cela ne signifie tout bonnement "bébé,<br /> progéniture"?<br /> <br /> <br /> merci d'avance<br /> <br /> <br /> <br />
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