Lola
Film franco-philippin de Brillante Mendoza,
avec Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez, Jhong Hilario,
Ketchup Eusebio, Benjie Filomeno et Camille Solari
Connaissez-vous Manille, la capitale des Philippines ? Inutile d’entreprendre le voyage : vous en apprendrez beaucoup plus en voyant ce film de Brillante Mendoza. Mais attention ! Vous ne serez pas dans les beaux quartiers, vous serez plongés au milieu des petites gens de cette immense agglomération, débordante d’une vie frénétique.
Dans ces rues bruyantes et encombrées, nous suivons dès le début une grand-mère (lola, dans la langue tagalog), accompagnée d’un petit garçon. Son petit-fils a été assassiné la veille, pour lui voler son téléphone portable. Nous allons la suivre dans toutes les démarches qu’elle entreprend, aux Pompes funèbres, pour obtenir un cercueil, au commissariat, pour porter plainte, chez les voisins, pour trouver de l’argent. Puis nous découvrons l’autre grand-mère, celle du meurtrier, vendeuse dans les rues, qui elle aussi va se démener, par tous les moyens, pour obtenir la libération de son petit-fils.
Brillante Mendoza, un des cinéastes les plus doués de la jeune génération, fait preuve d’un immense talent pour nous faire rejoindre la vie de ces familles pauvres, comme si nous y étions. Nombre de scènes sont de petits bijoux d’observation sociale : le parapluie fatigué, la vente des canards et des légumes, le départ sur l’eau du cercueil et de la famille.
Ces grand-mères sont admirables de courage, de ténacité, elles portent leur famille, malgré leur arthrite et l’absence des hommes. Mais elles ne sont pas idéalisées : pour elles, tous les moyens sont bons pour atteindre l’argent dont elles ont besoin. Car deux éléments dominent ce film, qui lui font atteindre une poésie sans concession : l’eau, omniprésente (la saison des pluies, la rivière au ras des maisons) et l’argent, hantise de tous ces gens.
Une œuvre d’art qui renoue avec la veine néo-réaliste italienne, dans la lignée du Voleur de bicyclette et de Umberto D.
Jacques Lefur