Liturgie, lieu des conflits
Depuis toujours et certainement depuis l'origine du christianisme, la liturgie a été le lieu des combats, des conflits, des ruptures, des intégrismes.
La liturgie est un rapport collectif entre
- le peuple et sa culture particulière et journalière, d'une part et
- Dieu, le parfaitement intemporel le totalement universel, d'autre part.
Le concile de Vatican II a laissé entendre que la communion ne tenait pas à l’uniformité des liturgies (abandon de l’obligation du latin comme langue liturgique) mais à une relation commune et véritable à la personne du Ressuscité.
Il est bon d’épingler plusieurs sources de conflits :
- La liturgie est le lieu où s’affrontent la tradition, l'innovation, la culture ordinaire ;
- la liturgie est le lieu du pouvoir de toutes les sortes de prêtres et de prêtresses qui sont des « monuments sacrés » investis par le savoir et le pouvoir (on dit hiératiques mais c'est pareil) ;
- La liturgie est le lieu de la fête et du débordement (le carnaval en est un exemple), une véritable anarchie incontrôlée ou par totale antithèse le lieu du silence taciturne ou chacun adore dans son cœur et dans son corps… mais des individus réunis dans un même endroit ne font pas un peuple ;
- La liturgie est le lieu des émotions et ensuite de la discussion sur le 'ressenti' : la liturgie fait parler ;
- Que les liturgies soient religieuses ou civiles elles sont nécessairement encadrées et préparées, parfois trop et alors elles sont rigides, ou parfois pas du tout et alors elles sont spontanées et donc difficilement maîtrisables.
Pour « sauver » la liturgie il faut en faire
- un lieu pédagogique de la foi d'un peuple,
- un approfondissement catéchétique,
- une expression humble et dépouillée d'une foi commune en Christ Ressuscité et pas seulement d'un consensus esthétique,
- une relativisation à l'image de l'ardeur journalière d'un peuple harassé, qui trouve paix et joie pour se rassembler, prier en commun, représenter ceux et celles dont il est solidaire, offrir le monde et intercéder pour lui,
- une négociation entre différents courants et sensibilités…
… on pourrait presque dire : une indifférence d'amour, pourvu que Dieu soit loué, remercié, « intéressé » à l’humanité où son Fils s’est incarné.
On n'évitera jamais que la liturgie fasse naître des dissensions (cf. après le concile Vatican II l'affaire Lefèvre, la messe de Saint Pie V, le plain chant) ; c'est une guerre des symboles et, pour finir, des options théologiques voire politiques.
Le mieux est de savoir tout cela et de continuer à tracer un chemin vicinal de miséricorde et d'intercession.
Christian Montfalcon