Les vœux pieux de Copenhague
L’expression « fêtes de fin d’année » confond allègrement le dépouillement et la lumière de Noël avec le bling-bling et le clinquant de la grande foire de la consommation. C’est la période où nous nous adressons mutuellement des vœux. Dans la langue française, le mot vœu signifie aussi bien l’engagement total et définitif dans une cause à laquelle on « se voue » qu’un bavardage destiné à soigner sa bonne conscience, d’où l’expression « vœu pieux ».
Chers amis, nous n’allons pas manquer de nous souhaiter bonne santé, succès, relations conviviales. Mais, par-delà ces souhaits de bonheur individuel, nous avons aussi à formuler ensemble des vœux pour notre vie commune, et d’abord pour la bonne santé de notre planète.
Or, à l’aube de cette nouvelle année, l’échec du sommet de Copenhague sur le climat n’augure pas de la volonté des responsables politiques de passer du « vœu pieux » à une politique concrète à laquelle « on se voue ».
Beaucoup d’espoirs avaient été placés dans ce sommet qualifié d’historique notamment à cause de la croissance du sentiment d’urgence face au réchauffement de la planète. On attendait un hypothétique revirement de la position américaine après huit années de présidence Bush caractérisées par ce qu’on a appelé le « négationnisme climatique ». L’administration Obama paraissait à même de présenter un tout autre visage de l’engagement américain, premier pollueur mondial de la planète par habitant.
Dans son éditorial dans le journal Libération, Laurent Joffrin analyse avec lucidité ce que signifie cet échec : « On croyait la douce anarchie réservée à cette mouvance protestataire et utopiste qu’on appelle l’ altermondialisme ; on moquait les motions byzantines votées par les partis écologiques perdus dans d’obscures tractations. Il faut croire que ce désordre démocratique est contagieux. Préparée depuis des mois, voire des années, la conférence de Copenhague devait abriter une négociation huilée et professionnelle, patiemment déminée par une armée de sherpas surdiplômés. Voilà qu’elle débouche sur une pantalonnade ronflante, dans laquelle les puissants de ce monde sont incapables de prendre les décisions claires et volontaires qui s’imposent et ne parviennent à accoucher que d’un accord a minima qui sauve à peine les apparences. Il faut bien en faire l’amer constat : quand il s’est agi de secourir le système bancaire, la concertation a été autrement efficace et déterminée. Il est manifestement plus facile de sauver la finance que de sauver la planète. (…) Le déroulement de ce sommet suscitera une cruelle déception chez tous les citoyens d’une planète menacée. La coopération planétaire dont on pouvait rêver, sans trop y croire, s’éloigne de nouveau comme un mirage. La prochaine fois, peut-être… » 1
Cela dit, ce nouvel échec d’un pas en avant vers une gouvernance mondiale constamment minée par les plus grandes puissances étatiques et les puissances d’argent ne devrait pas nous décourager. Bien au contraire, c’est l’engagement concret de millions de citoyens dans leur environnement qui peut conduire à une évolution des consciences. Copenhague restera comme la liturgie assez loufoque de la célébration d’un malaise face à la gravité d’une situation qui ne peut plus être niée. Cet échec nous rappelle que toutes les grandes étapes de l’humanité vers une gouvernance plus juste traversent de nombreuses crises. Notre avenir ne sera pas un destin forgé par les puissants arc-boutés sur leurs intérêts à court terme, il est ce que nous allons faire ensemble.
Depuis Noël, nous savons que l’essentiel se prépare dans les humbles naissances de chacun à une nouvelle conscience sans lesquelles les grands forums mondiaux ne cesseront de sonner faux.
Bernard Ginisty
Éditorial diffusé sur RCF Saône & Loire.
1 - Journal Libération du 19 décembre 2009