Les Roms : inintégrables… Vraiment ?
Nos lecteurs savent combien nous sommes sensibles dans ce blog à la situation faite aux Roms, tant dans leur pays que dans
le nôtre ; de nombreux articles en attestent.
Aujourd’hui, nous nous faisons l’écho des interventions de Laurent El Ghozi, chirurgien engagé dans l’action humanitaire mais aussi conseiller municipal de
Nanterre, a faites le 27 septembre dernier lors de journée d’échanges organisée par la Délégation Interministérielle pour l’Hébergement et l’Accès au Logement des personnes sans-abri ou mal logées (DIHAL) à l’Assemblée Nationale, au nom du Collectif Romeurope qu’il a fondé en 2000.
Ses propos sont à verser au dossier du débat sur les Roms que les récentes déclarations du ministre de l’Intérieur ont ouvert dans notre pays. Débat politique, mais aussi débat « de
société », comme on dit, qui nous concerne tous et chacun. Nous vous invitons donc à y contribuer, comme l’ont déjà fait deux des membres de notre comité de rédaction dont nous publions les
réactions en commentaire.
G&S
20 000 personnes, contraintes de vivre en bidonvilles, en France, en 2013 et ce n’est évidemment ni leur choix, ni leur mode de vie naturel !20 000 personnes à intégrer dans un pays qui compte 170 000 SDF, 3 500 000 personnes non ou très mal logées, 5 000 000 de demandeurs d’emploi. Un pays en crise économique, sociale, morale aussi, qui voit se fissurer de partout son pacte républicain, qui se montre trop souvent infidèle à ses promesses d’égalité et de fraternité, au fameux « pacte de dignité » du Président de la République : « la France doit être à la hauteur du pacte de dignité qu’elle doit tenir à l’égard de la population française, des étrangers quel que soit leur statut et de la communauté internationale », et cela par la mobilisation du droit commun dans la justice, l’école, le logement, le travail…
Évidemment, la question se pose d’une confiance rompue entre les acteurs qui agissent au quotidien pour permettre aux habitants des bidonvilles les conditions d’une vie plus digne et le gouvernement. Notre réflexion sur ce point doit être collégialement conduite et chacun en tirera les conséquences pour son action.
Mais rappelons ici que c’est bien l’humanité, le courage, la pugnacité de citoyens bénévoles et désintéressés qui, depuis plus de vingt ans, ont permis des actions permettant de lutter au quotidien contre les indignités faites aux habitants des bidonvilles.
C’est aussi tout simplement ces citoyens roumains ou bulgares – Roms souvent mais pas toujours et ce n’est bien sûr absolument pas la question – qui construisent par eux-mêmes les conditions de leurs existences, qui travaillent dur pour survivre et nourrir leurs enfants, malgré les restrictions à l’accès à l’emploi, les refus d’inscription à l’école, les expulsions répétées, le rejet, la violence, la haine inexplicable souvent.
Il n’y a pas de place en République, en France, pour des politiques publiques qui ciblent une catégorie de personnes appréhendées selon des origines ethniques réelles ou supposées. Personne n’est déterminé par son origine et personne ne peut être déclaré « inintégrable » au prétexte d’une appartenance culturelle assignée, supposée, fantasmée ou délibérément construite. (...)
La marginalité, la pauvreté ne sont ni un choix ni une fatalité, mais le résultat de politiques construites qui éloignent du droit en matière d’école, de santé, de travail, de logement, de respect donc d’intégration.
On peut faire autrement si tout le monde y contribue, localement, dans les villes – on a vu les exemples à Strasbourg, Nantes, Bordeaux, Orly, Montreuil, Aubervilliers, etc. – en Roumanie, au niveau de l’Union européenne : osons les mettre en évidence, dire, par exemple, que durant le premier semestre 2013 il y a eu 1104 Roumains et Bulgares de plus qu’au dernier semestre 2012 accédant à un travail légal et donc à l’ensemble des droits ; et ce sera plus facile encore après le premier janvier 2014 et la fin, enfin, des mesures transitoires.
Le travail, les ressources régulières, les papiers, c’est la première clé pour l’intégration avec la stabilisation en attendant un vrai logement et, bien sûr, l’école.
Osons exiger cette autre politique, avec les moyens et le soutien indispensables pour la DIHAL, plus juste, plus digne, plus efficace certainement et, à l’évidence moins coûteuse humainement et financièrement.
Osons affirmer ensemble que c’est possible et nécessaire.
Laurent El Ghozi
N.B. : Le choix de ces extraits, comme le titre que nous leur avons donné, sont le fait de G&S.