Les neiges du Kilimandjaro
de Robert Guédiguian
Quel plaisir de retrouver le cinéaste marseillais Robert Guédiguian dans ce quartier de l’Estaque, qu’il sait si bien décrire, et de l’y retrouver au meilleur de sa forme ! Quinze ans après « Marius et Jeannette », sont toujours là ses acteurs favoris, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin (qui a fait depuis une grande carrière, et qu’on verra bientôt dans le film « Le Havre » d’Aki Kaurismaki) et Gérard Meylan, avec cette fois aussi Maryline Canto. Mais le monde a changé, les conditions de vie sont devenues plus difficiles : licenciements dans un chantier naval, chômage, affaiblissement des syndicats, éclatement des familles, distance entre les générations, cambriolage : l’auteur décrit bien le monde actuel tel qu’il est, sans idéalisation. Une très belle scène au départ réunit famille et amis autour de Michel et Marie-Claire, un couple qui fête ses 30 ans de mariage, sous le grand soleil de Provence ; à cette occasion on leur offre le voyage de leur rêve : un séjour en Afrique pour voir les neiges du Kilimandjaro. Mais la vie n’est jamais si simple que dans les rêves.
Le cinéaste n’a rien perdu de son talent : belle mise en scène, acteurs excellents, scénario bien mené, mais il faut surtout relever deux grandes qualités de ce film. Inspiré par le poème de Victor Hugo « Les pauvres gens », Guédiguian s’attache à nouveau aux milieux populaires, aux petites gens, dont il montre la dignité, les qualités de cœur, le sens de la famille, sans nullement les idéaliser. Le personnage joué par Gérard Meylan reste dans le désir de vengeance, et Michel, joué par Jean-Pierre Darroussin, traversera toute une évolution psychologique avant de rejoindre le coup de cœur spontané de sa femme.
Ce film est donc, deuxième qualité, à classer parmi ceux qui redonnent une espérance. On a noté récemment le succès auprès du public de films qui affrontent des situations humaines difficiles, mais avec énergie, dynamisme et même humour : en particulier « La guerre est déclarée » ou « Intouchables ». Ici aussi, autour de deux enfants abandonnés, resurgit la solidarité, le pardon, l’espérance dans l’avenir. Une belle réussite, peut-être le meilleur film de son auteur.
Jacques Lefur
P.S. : Une soirée-débat sera consacrée à ce film à Aix, Centre Diocésain, 7 cours de la Trinité, le jeudi 8 décembre à 20 h 30.