Les « élites »
Commentaire de Luc 5,1-11
Bien souvent j’ai entendu des commentaires sur l’appel des quatre premiers disciples selon l’Evangile de Luc (05, 01-11),
Bien souvent j’ai lu des pages remarquables sur ces versets,
Bien souvent j’ai écrit, prêché, sur ce texte situé presque au début du ministère de Jésus…
Aujourd’hui je voudrais simplement vous livrer trois réflexions que la méditation m’a suggérées. Ce n’est pas un commentaire mais un « à propos ».
Premier propos : les deux barques
Deux barques sont amarrées au bord du lac de Génésareth près de Jésus qui est pressé par la foule avide de ses paroles et de sa proximité. Pour ne pas être contraint d’avoir « les pieds dans l’eau » Jésus demande à Simon, qui deviendra Pierre, de lui prêter son embarcation. De cette barque il enseigne la foule resté face à lui au bord du rivage.
Jésus n’emprunte pas la barque des Zébédée mais celle de Pierre.
Jusqu’à ce jour je n’avais pas remarqué ce choix… Est-ce qu’il a été motivé par le hasard de la proximité ou parce que Luc a déjà
voulu esquisser la primauté de Pierre. C’est en tout les cas depuis une barque flottant au bord de l’eau que Jésus « assis » enseigne… ce n’est pas dans une synagogue comme à Nazareth
ou à Capharnaüm…
Deuxième propos : les pêcheurs lavaient leurs filets
On peut lire dans ce texte que les pêcheurs travaillaient tandis que Jésus enseignait. Tandis que Jésus parlait à la foule, Simon était-il retourné à son travail ? Etait-il resté à bord avec quelques compagnons de métier ? Je ne sais.
Mais je suppose qu’au bord du lac de Génésareth beaucoup gagnaient leur vie à partir de la pêche et des petits « boulots qu’elle générait. Ce sont parmi ces « travailleurs qui ont une profession » et qui l’exercent pour « vivre » que, d’après Luc, Jésus choisit et appelle ses premiers disciples.
C’est parce qu’ils viennent aider un collègue de travail en difficulté, peut être un concurrent, qui a fait une pêche exceptionnelle, que les fils de Zébédèe sont aussi « appelés » et que tous « laissent tout et suivent » Jésus qu’ils connaissent à peine.
Troisième propos : Élection, Élu, Élite
D’une manière ou d’une autre Jésus a choisi et appelé quelques hommes pour marcher avec lui et à sa suite (c’est pareil). Dans le texte considéré aujourd’hui ils sont au moins trois à quitter leur « port » d’attache ! Peut-être quatre si, comme il est vraisemblable, André frère de Simon fait partie du ‘lot’.
Jésus choisit… « Choisir » « élire », « mettre à part » « distinguer » « confier une mission »… autant de verbes qui ont sens voisin.
Il ne peut pas y avoir de peuple sans « élite élue ». Les « élites » ne sont pas choisies pour se prélasser, faire carrière, s’enrichir, être honorées, mais pour servir : c’est-à-dire d’abord pour être signe et témoin.
Leur service, en effet, n’est pas seulement administratif, il n’est pas non plus d’abord d’organiser le bien commun, ni de donner du pain et des jeux, ni d’assurer la sécurité, mais d’éveiller « vers le haut » l’ensemble du peuple.
Le peuple ne doit pas se décharger pas sur eux de ce qu’il est habilité à faire lui-même. Il demande à ses élus : « soyez un témoignage pour nous. » Il pourrait encore dire : « vous avez été choisis pour être des signes concrets, proches de nous, à notre portée. » Ce serait juste d’ajouter : : « vous êtes élus pour nous appeler à la fidélité afin que nous accomplissions ce qui nous est propre et non pour que vous nous fassiez marcher au pas et que vous pensiez à notre place. »
Qu’il me soit permis de prendre un exemple profane. En France le peuple, a élu au sein d’instances civiques, politiques, syndicales, associatives, professionnelles, sociales, environ une personne pour 20 à 30 habitants… C’est énorme ! Dans notre pays on peut vraisemblablement chiffrer à plusieurs millions de personnes, les élus de tous les ‘genres’ et de toutes les ‘espèces’… Sont-ils des « élites » c’est-à-dire du « levain » pour tout ceux qui font « peuple » en France ? Veulent-ils l’être ?
On peut regretter que même si, pour la plupart, ils rendent un service important, compétent et apprécié, ils ne se considèrent pas comme des ‘appels-vers-le-haut’ en rendant le peuple « tous responsables et serviteurs » !
J’ai pris un exemple profane… mais il faudrait raisonner d’une manière analogue (pas forcément identique) dans le peuple des baptisés.
Je crois qu’en ce domaine des « choisis, des élus, des élites, » l’Eglise catholique en France a beaucoup à chercher et une immense conversion à entreprendre. C’est urgent de commencer tout de suite pour pouvoir poursuivre ‘les réformes’ avec sagesse et patience durant les prochaines années.
Christian Montfalcon