Le ruban blanc
de Michaël Haneke
Palme d’Or au Festival de Cannes
Ce film, sorti en France le 21 octobre, avait obtenu la Palme d’Or au Festival de Cannes, et l’ensemble de la critique avait jugé cette récompense méritée. Michaël Haneke, cinéaste autrichien, était déjà reconnu comme un excellent cinéaste, son film précédent « Caché », avec Juliette Binoche et Daniel Auteuil, avait obtenu le Prix du Jury Œcuménique en 2005. Mais c’est un cinéaste difficile, qui jette sur le monde actuel un regard très critique, dans un style d’une froideur glacée, en particulier sur sa violence omniprésente et sur l’hypocrisie des milieux dirigeants (« Benny’s video », dès 1992).
Ce nouvel ouvrage est à mes yeux son meilleur film, à la fois par son style et par les sujets auxquels il nous donne à réfléchir. Nous sommes dans un village d’Allemagne du Nord, en milieu protestant, en 1913. Le style : un noir et blanc splendide nous fait rejoindre ce monde ancien, et nous présente, avec une maestria saisissante, une série de saynètes sur la vie dans ce village, souvent déroutantes, toujours marquées d’obscurité et de méchanceté
L’auteur décrit, avec brio, mais n’explique rien. C’est le spectateur qui doit peu à peu se faire son appréciation sur ce monde soumis à des lois inflexibles : le pouvoir du propriétaire sur les paysans, des hommes sur les femmes, du pasteur rigide et moralisateur sur ses enfants. Un monde qui se veut conforme à toutes les règles de la morale traditionnelle, et qui sous l’hypocrisie des apparences est profondément perverti. Un monde où règnent « la haine, la peur, le mensonge et le mépris », comme le dit la Baronne à son époux.
Le film se termine par la mort de l’Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo et le début de la première Guerre Mondiale. Il laisse ainsi entendre qu’un monde soumis à ces pouvoirs terrifiants porte en germe la maladie sociale qui enfantera le nazisme. Plus largement, il rappelle à quel point le cœur des hommes, y compris celui des enfants, est loin d’être habité par l’innocence : « Ce qui provient de l’intérieur de l’homme, voilà ce qui rend l’homme mauvais ». La question posée est donc la plus centrale qui soit : comment travailler à une société moins implacable, plus humaine?
Jacques Lefur
PS. Un débat sur ce film, animé par Marie-Jeanne Coutagne et Jacques Lefur, aura lieu au Centre Diocésain, 7 cours de la Trinité à Aix-en-Provence, le vendredi 20 novembre à 20 heures 30. Vous y êtes cordialement invités.