Le Prologue de Jean massacré à la tronçonneuse
Chers amis internautes, je regrette en ce lendemain de Noël, fête de la paix, de devoir pousser un grand coup de gueule contre le traitement que l’Église catholique francophone fait subir au superbe prologue de l’Évangile de Jean.
J’ai déjà écrit un article de fond sur ce Prologue sous le titre Devenir enfants de Dieu, mais il me paraît important de prendre position sur ce massacre.
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Si vous avez un livret mensuel – aussi bien Magnificat que Prions en Église – et que vous le consultez, vous pourrez voir que dans l’évangile de la Messe du jour de Noël le texte de l’évangile est assorti de mentions entre parenthèses : arrêt de la lecture brève… reprise de la lecture brève… fin de la lecture brève…
Le curé de ma paroisse ayant choisi l’option de la version courte, j’ai réagi in petto mais très violemment contre cette option qui enlève à ce texte toute la cohérence et la beauté que j’ai célébrée avec passion dans l’article susmentionné, puisque la lecture se termine par la mention de l’Incarnation de Jésus et sur les mots : plein de grâce et de vérité. Il manque donc les quatre derniers versets.
Pourquoi s’agit-il d’un massacre ? Simplement parce que cela a pour conséquence principale de faire ressortir avant tout l’Incarnation du Verbe, dont je ne nie évidemment pas l’importance fondamentale puisque sans elle nous ne serions évidemment pas chrétiens ! Le problème est que cette option conduit à trahir sciemment la volonté évidente de l’évangéliste qui a mis en exergue – en clé de voûte de son texte – une affirmation adressée solennellement au monde : nous avons reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu !
Voilà LE message de l’évangéliste Jean !
Message massacré par la "lecture brève " de la liturgie du jour de Noël !
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Mais il a un autre élément qui me laisse perplexe…
En effet, quand j’ai fait le point pour écrire cet article, je me suis aperçu que les mentions entre parenthèses dans nos missels ont pour résultat, si nous les suivons, de nous faire lire – en français, mais très exactement 1 – le texte qu’on appelait Dernier Évangile avant le Concile Vatican II et donc selon le rite tridentin, qui était lu (et qui l’est encore dans ce rite) à la fin de chaque messe 2.
Le prêtre solennisait en faisant une génuflexion une phrase particulière : et Verbum caro factum est, phrase traduite par la commission liturgique francophone : et le Verbe s’est fait chair, qui est d'ailleurs une traduction erronée 3 !
Loin de moi l’idée de contester l’importance de cet événement unique dans l’histoire de l’humanité ! Mais en ces temps où les fidèles avaient surtout à suivre de règles pour échapper à la colère de Dieu et à l’enfer, on oubliait « seulement » que si le Messie s’est incarné c’est justement pour que nous devenions enfants de Dieu et frères de Jésus, comme le dit un cantique qui a beaucoup compté pour moi à un instant précis de ma vie de chrétien.
Ces temps sont heureusement derrière nous ; y resteront-ils ?…
René Guyon
Vous trouverez ci-dessous le texte officiel en latin du Dernier Évangile lu à la fin de la messe :
In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum. Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod factum est. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum : et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt. Fuit homo missus a Deo, cui nomen erat Joannes. Hic venit in testimonium, ut testimonium perhiberet de lumine, ut omnes crederent per illum. Non erat ille lux, sed ut testimonium perhiberet de lumine. Erat lux vera quae illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. In mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et mundus eum non cognovit. In propria venit, et sui eum non receperunt. Quotquot autem receperunt eum, dedit eis potestatem filios Dei fieri, his qui credunt in nomine ejus. Qui non ex sanguinibus, neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt. ET VERBUM CARO FACTUM EST, et habitavit in nobis et vidimus gloriam ejus, gloriam quasi unigeniti a Patre, plenum gratiae et veritatis.
R / Deo gratias.
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1 – À la nuance près que l’incise concernant Jean le Baptiste était lue ou non, suivant des décisions
individuelles du célébrant dont la teneur m’échappe…
2 – Sans qu’aucun curé ou vicaire n’ait jamais pu m’expliquer pourquoi cet évangile avait ce traitement extrêmement particulier ; enfant de chœur j’étais déjà un empêcheur d’obéir
en rond…
3 – Alors qu’il est écrit en latin : et le Verbe fut fait chair, ou devint chair.