Le Pape ne veut pas des chrétiens de « salon »
Pour la Pentecôte, devant la foule massée place Saint-Pierre, François a encore appelé l'Église à s'ouvrir et a encouragé les mouvements charismatiques.
S'il n'était pas pape, on dirait que ce cardinal argentin aime la provocation. Élu pape depuis deux mois, personne n'ose le dire mais beaucoup le pensent. Ce qui apparaissait comme un goût pour les formules chocs se confirme comme un style pastoral de choc. Qui plus est, teinté d'une simplicité sans gêne et d'une verdeur toute latino-américaine, qui tranchent avec la réserve et la distance qui marquèrent les huit années Benoît XVI.
Le pape François vient encore de démontrer son style cru lors de ce week-end de Pentecôte, qui, avec celui de Pâques, il y a quarante jours, a été très chargé pour cet homme de 76 ans qui prend encore ses marques dans un univers, le Vatican, qu'il évitait autant qu'il le pouvait avant de devenir pape. François a en effet retrouvé en fin d'après-midi, place Saint-Pierre, une foule de deux cent mille personnes, réunie à l'invitation de Benoît XVI il y a plusieurs mois et représentant tous les « nouveaux mouvements » dans l'Église catholique. Il les a revus, dimanche matin, pour une messe pontificale en plein air, sur la même place mais tellement bondée que l'on se demande désormais comment réguler une telle affluence populaire.
Les « nouveaux mouvements » dans l'Église catholique forment une galaxie indéfinissable mais ils ont un point commun, celui d'être tous nés à partir du Concile Vatican II. Leur apparition dans le paysage ecclésial a apporté un vrai sang neuf dans l'Église catholique, notamment sur le plan des vocations religieuses, mais elle a aussi provoqué beaucoup de méfiance d'une partie de la hiérarchie épiscopale qui n'avait que peu de pouvoir sur ces initiatives.
Jean-Paul II avait tout fait pour ces « nouveaux mouvements » mais ce climat subsiste. D'où l'examen de conscience que le nouveau pape leur a lancé, dimanche, en particulier avec cette question posée en fin d'une homélie axée sur l'unité de l'Église : « Demandons-nous, a-t-il lancé, si nous avons tendance à nous enfermer en nous-mêmes, dans notre groupe ? » Évoquant l'Esprit saint dont c'était la fête de Pentecôte, il a précisé : « L'Esprit saint nous fait entrer dans le mystère du Dieu vivant et nous sauve du danger d'une Église gnostique et d'une Église autoréférentielle, fermée sur elle-même. »
«Quand l'Église se ferme, elle tombe malade»
Enfin, il a appelé les mouvements à travailler à « l'harmonie » qui « ne signifie pas l'uniformité » : « Quand c'est nous qui voulons faire la diversité et que nous nous fermons sur nos particularismes, sur nos exclusivismes, nous apportons la division » même s'il faut fuir, d'un autre côté «l'uniformité, l'homogénéité ». Équilibre difficile qui doit se travailler au sein de l'Église : « C'est l'Église qui me porte le Christ et qui me porte au Christ ; les chemins parallèles sont dangereux ! »
La veille, samedi après-midi, le Pape devant le même public a redit son message central, qu'il martèle depuis deux mois : « Non à une Église fermée ! » a-t-il lancé. «Je préfère une Église accidentée» parce qu'elle prend des risques à une « Église malade » : « Quand l'Église se ferme, elle tombe malade », explique-t-il.
Mais cette Église doit être ouverte sur « le Christ ». D'où ce «petit reproche» à la foule : « Vous m'avez acclamé quand je suis arrivé. J'ai entendu “François”, mais Jésus où était-il ? J'aurais voulu entendre crier “Jésus est le Seigneur”. Alors, à partir de maintenant, plus de “François”, mais “Jésus” ! »
De même, il a une nouvelle fois reproché aux chrétiens d'être trop tièdes : « Nous ne pouvons pas devenir des chrétiens amidonnés qui parlent de théologie en prenant tranquillement leur thé. Nous devons aller chercher ceux qui sont la chair du Christ », à savoir les « pauvres ».
D'où cet appel à la solidarité et à l'éthique : « Si les investissements calent dans les banques, tout le monde s'inquiète, mais si des gens n'ont rien à manger, personne ne bouge. Un clochard mort de froid n'est plus une nouvelle. C'est grave pourtant. Nous ne pouvons pas rester inertes. »
Jean-Marie Guénois, pour lefigaro.fr