Le fait Jésus
Un livre de Philippe Lestang
Éditions Actes Sud, Collection Le souffle de l’esprit, mai 2012, 9 euros
Voici un petit livre de 90 pages qui ne paie pas de mine mais qui en fait en est une... aux deux sens du terme :
- c’est un livre qui fourmille de réflexions à lire et relire
- c’est un livre explosif qui secoue toutes les idées ancrées en nous, surtout si nous sommes des chrétiens d’un « certain âge » !
Un livre tellement dense que, n’étant pas un spécialiste de la recension, je me servirai (avec l’accord de l’auteur) d’éléments d’une conférence qu’il a faite sur le sujet pour vous en parler !
o O o
Dès l’exergue l’auteur proclame son désir de vivre le christianisme comme quelque chose de fraternel et de modeste, dans un dialogue avec tous les hommes et aussi d'une façon qui ait un sens pour les hommes d'aujourd'hui, notamment les non-croyants.
La 1e partie de l’ouvrage (Dieu ?, Croire) s'adresse principalement aux incroyants et aux philosophes : existence d'êtres très supérieurs à l'homme, refus de chercher une définition de Dieu (Tout-Puissant ou autres), notion de certitude et notion de conviction, attitude ouverte et ouverture d'esprit.
La 2e partie, Le salut, est un texte dont l’auteur dit qu’il est la base de sa spiritualité ; il est parfaitement "orthodoxe" !
La 3e partie, une approche expérimentale, d’où dérive le titre du livre, s'adresse aux chrétiens.
L’auteur avoue qu’il se demande souvent ce que penserait un non croyant écoutant ce qui se dit au cours de messes ou de réunions entre chrétiens ; à longueur de cérémonie il est insatisfait de la façon terriblement datée dont l'amour de Jésus est présenté et célébré.
Il propose d'inverser l'approche et, pour énoncer le christianisme, d’essayer de partir des "faits" que les chrétiens considèrent comme acquis, plutôt que des mots du Nouveau Testament : réfléchir à la révélation comme à un fait, comme à la rencontre avec un être très supérieur qui se révèle… et n'affirmer que ce que nous pouvons considérer comme certain, ce qui laisse ouvertes bien des questions, par exemple celles qui concernent l'au-delà.
Pour lui, il s'agit d'admettre que ce qui est révélé c'est une personne – Jésus, modèle de l’amour et ouverture sur un autre monde par sa résurrection – et non une doctrine toute faite, comme une série de phrases de Saint Paul et des évangiles.
Il s'agit de commencer à oser dire que la façon dont Saint Paul et les évangiles ont compris la personne de Jésus et son message, son retour, le ciel, etc. est datée, et à ne plus partir de mots comme s'ils étaient "révélés" mais de faits tels que nous les comprenons maintenant, avec notre vision du monde bien différente.
Par exemple, il est largement admis que le récit d’Adam et de la chute dans le livre de la Genèse n'a rien d'historique et pourtant la 4e prière eucharistique dit : « comme [l'homme] avait perdu ton amitié en se détournant de toi »… etc. À quand une liturgie qui parle d'ouverture à l'amour et non plus de "rachat" des hommes par Jésus ou de "sacrifice" ?
Cela dit, l’auteur insiste sur le fait qu’il se situe complètement dans l'Église catholique et qu’il souhaite simplement que les idées qu’il soulève soient peu à peu discutées ; cela supposerait qu’on soit prêt à réécrire toute une partie des prières de la messe… mais le souci de conserver la continuité avec la tradition l'emporte actuellement sur celui d'énoncer le christianisme clairement et en vérité !
Une des dernières pages du livre s'intitule Dans l'Église car, pour l’auteur, vivre le christianisme c'est vivre l'amour ; c'est cela le salut ; ce n'est réalisable qu'en apprenant déjà à vivre ensemble, en acceptant les autres comme ils sont et les différences entre eux et nous.
L’auteur évoque des livres ou des sites web qui proposent de réformer l'Église (« mariage des prêtres, que sais-je ») ou même de la quitter et affirme : « moi je vis dans l'Église ; c'est sa liturgie et sa théologie que je voudrais voir se réformer. »
Sa conclusion peut s’énoncer ainsi : Est-ce que nous voulons continuer à parler de Jésus assis à la droite de Dieu depuis 2000 ans et de l'autel sur lequel on porte des sacrifices… Ou bien est-ce que nous voulons nous mettre en route sur le chemin difficile où l'on cherche à exprimer le christianisme en vérité et à séparer ce que nous savons de ce que nous ne savons pas ?
En restant dans l'unité avec ceux qui ne comprennent pas cette démarche et en vivant dans l'amour du Seigneur.
Un petit livre à lire !
Matthieu Lambert
Philippe Lestang est marié, père et grand-père, chrétien convaincu et actif, pour qui la vie de prière, la Bible, et
la vie dans l'Église sont essentielles ; membre de l'Équipe animatrice de sa paroisse il anime avec son épouse plusieurs groupes bibliques.
Il est polytechnicien et a travaillé longtemps à l’INSEE.
Un premier choc pour lui a été en 1968 l'encyclique Humanae Vitae qui lui a paru très loin de la façon dont il voyait l'amour, au centre de la vie des couples. Puis, vers 1975, il a
commencé à trouver insupportable la façon dont les prêtres énonçaient le christianisme.
Il a fini par ne plus aller à la messe, puis à ne plus se définir comme chrétien.
C'est en 1988 qu’un travail approfondi sur les évangiles l'a "reconverti" : « Jésus dit la vérité ; donc il est vivant, présent ! » Il se qualifie de chrétien
"né de nouveau", complètement convaincu de la vérité de l'évangile.