Le Déluge ? Complètement maboul !
Un échange d’idées avec Christiane Guès qui était en train d’écrire un article à propos du parallèle entre les tentations de Jésus au désert et le Déluge 1 m’a donné envie de vous parler d’un des mots bibliques les plus connus du « grand public » : Déluge.
L’épisode qui l’utilise et le décrit est – stricto sensu – en Genèse 6,5-8,19, mais la suite – jusqu'au verset 9,17 – ne peut être ignorée, car elle raconte une invention de Dieu qui génère des moments de grand bonheur qui se répètent éternellement certains jours où l’on a plutôt tendance à râler contre le Créateur… Je vous conseille de la lire.
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Pour arriver à notre but posons-nous une question fondamentale : pourquoi Dieu en est-il arrivé à vouloir noyer la Terre et tous les êtres vivants qui l’habitaient ?
Pour le comprendre il suffit de faire un bref résumé des cinq chapitres antérieurs : Dieu crée le monde et l’être humain, homme et femme qui s’empressent de lui désobéir ; pour cette raison Dieu les pousse à partir dans la « vraie vie » où naît leur fils qu’ils nomment Caïn et qui tue assez vite son cadet Abel pour calmer sa rancœur à propos d’une offrande que Dieu lui a refusée sans raison apparente ; il est donc condamné à l’errance sur Terre à perpétuité. Ses parents conçoivent Seth pour remplacer Abel et s’ensuivent nombre de descendants… jusqu’au jour où Dieu est – j’ose dire sans vouloir l’abaisser – désespéré, pour une raison assez ténébreuse concernant le comportement des hommes et des Néphilim, personnages à la nature incertaine.
La Bible raconte alors que Dieu « vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée » (6,5).
Vient alors la phrase bouleversante – au sens fort du terme – qui donne la dimension du désespoir de Dieu : « YHWH se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur » (6,6) !
Voilà deux concepts révolutionnaires : le repentir et le cœur de Dieu.
Sommes-nous en présence d’un anthropomorphisme déplacé utilisé par l’auteur ou la vision prophétique d’un Dieu d’amour voulant que l’être humain parvienne à l’excellence par lui-même ?
Il est probable qu’à notre époque qui valorise l’amour avant tout (un peu comme le faisait Paul en 1Corinthiens 13, mais en ne faisant souvent que semblant et avec guimauve et gnangnan en plus !) on est tenté de pencher pour la deuxième hypothèse. Mais ce serait oublier que la Bible, comme souvent voire toujours, dit tout et le contraire de tout pour laisser l’homme se faire sa propre pensée sur Dieu et qu’on peut y trouver aussi : « Dieu n’est pas […] fils d’Adam pour qu’il se rétracte » (Nombres 23,19) ou « La Gloire d’Israël 2 ne ment pas et ne se repent pas, car il n’est pas un homme pour se repentir » (1Samuel 15,29)…
On connaît la suite : Dieu ne se rétracte pas ; il demande à Noé de fabriquer une arche et d’y faire monter un couple spécimen de chaque espèce vivante puis noie toute la terre et les êtres vivants qui l’habitent (7,23)… avant de faire sortir de l’arche les survivants et de « remettre en route » la création.
Voilà un geste d’une brutalité insoutenable, venant d’un Dieu dont les croyants disent qu’il est un Dieu bon ! Comment pourriez-vous, amis lecteurs, ne pas adhérer alors au titre provocateur de cet article ?
Mais, au fait, pourquoi ce qualificatif maboul, un peu vulgaire, que j’ai osé utiliser ? Certains d’entre vous diront : « parce qu’il cherchait à tout prix un titre vendeur pour son article », mais ce sera bien sûr de la pure calomnie, car mon but est tout autre que de vous raconter que le dictionnaire Robert dit que ce mot – populaire – est à l’origine un terme d’argot de l’armée d’Afrique (1830) et qu’il vient de l’arabe mahboûl, qui signifie fou.
Même si vous convenez que la décision de Dieu est pour le moins surprenante et peut-être même – osons le sacrilège ! – un peu folle, vous ne pourrez pas vous empêcher de vous demander pourquoi j’ai utilisé un mot d’argot d’origine arabe pour « muscler » le titre de cet article qui traite d’un récit écrit en hébreu !
Eh bien, c’est parce que la folie de Dieu que dit ce mot arabe se concrétise pleinement dans le nom même de l'acte, et c’est là qu'est la clé du mystère :
en hébreu le mot déluge s’écrit
מַּבּוּל
et se lit… maboul !
Oui, cette création punitive de Dieu, qu'on appelle déluge, est maboul et sont folies ces déchaînements des éléments naturels pour remettre l’homme à sa place de créature, petite, faible, insupportable… mais que Dieu aime tellement qu’Il est prêt à toutes les folies pour tenter de réussir parfaitement cet être… aussi imparfait après le déluge qu’il l’était avant, mais qu’Il aime tant !
Folie de Dieu ! Génie de l’hébreu biblique !
Quand commencez-vous à apprendre d’hébreu biblique ?
René Guyon
1 – Des eaux du déluge à l’eau vive de l’Esprit
2 – Beau nom de Dieu !
Note du rédacteur : Ayant été averti qu'un article ayant un titre quasi similaire était déjà en ligne sur le Net, j'ai
découvert qu'il existe effectivement un article intitulé Le Déluge, c'est Maboul
sur l'excellent site Judéopedia créé par Michel-Louis Lévy, personne qui fait autorité en matière de Bible hébraïque. Je vous
invite à aller voir ce site où vous trouverez entre autre un logiciel de Bible.
Nous avons fait connaissance sur Internet il y a plusieurs années, il m'a défendu avec autorité contre des "méchants" de Wikipedia et nous échangeons régulièrement des
réflexions sur la Bible. Très aimablement, il m'a autorisé à garder le titre de mon article, ce dont je le remercie chaleureusement.