« La tentation, c’est le conservatisme... »
« ... la résignation qui mène la révolte. »
Interview de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon
À l’occasion des JMJ, Mgr Rey, qui accompagne 1100 jeunes du Var à Madrid,
analyse pour « La Croix » la crise économique et existentielle qui touche actuellement l’Europe.
- Que vous inspire la situation de l’Église espagnole, qui accueille en ce moment à Madrid les 26e JMJ ?
Il me semble que l’Église espagnole est en train de vivre ce que nous avons nous-mêmes vécu il y a quelques années, c’est-à-dire un changement de paradigme. Les Espagnols passent d’une religion qui structurait les comportements, les mœurs, les habitudes de vie, à une situation où la foi doit se vivre aujourd’hui comme une prise de position personnelle, une expérience de rencontre avec le Christ.
- La santé de l’Église catholique en Europe est-elle si catastrophique ?
À la fois on voit des pans entiers qui s’effondrent, ou se délitent, et en même temps c’est le moment des résurgences, moment de purification de la foi pour qu’elle soit réveillée, renouvelée, pour qu’il y ait de nouvelles oasis. C’est pour cette raison que je crois, que dans un monde sécularisé, des formes de vie consacrée, de nouvelles expressions de vie communautaire chrétiennes doivent se redéployer. D’où l’importance des communautés nouvelles, de nouvelles réalités ecclésiales qui sont une nouvelle manière de vivre la foi ensemble.
- Avez-vous le sentiment que l’Église de France est en train de remonter la pente ?
Je suis réaliste, car je mesure, en France, le nombre de personnes qui vont à la messe et se seniorisent, diminuent, qu’il y a peu de jeunes dans les églises, que les vocations se font rares… Et en même temps, je suis le témoin émerveillé de nouvelles initiatives spirituelles, missionnaires, qui sont vraiment une espérance pour notre société. Parce qu’elles sont le fait de personnes inculturées, ce ne sont pas seulement des rappels du passé, des résurgences de choses qui ont été faites avant. Ces jeunes expriment que la foi vaut aussi pour aujourd’hui.
- La jeunesse européenne est actuellement traversée par des mouvements de contestation. Que pouvez-vous répondre à l’inquiétude des jeunes?
Effectivement, on a une société de grand fatalisme, de crise économique, sociale, et je pense qu’on a besoin de rencontrer des témoins d’espérance. C’est justement cela qu’apporte aujourd’hui la foi. Le christianisme, c’est l’avenir de l’humanité. Notre foi, elle est héritage, et en même temps promesse. Et il est fondamental de tenir ces deux bouts : retrouver le patrimoine culturel et spirituel qui est le nôtre, et en même temps on est porté à regarder en avant, à ne pas se crisper sur le passé. La tentation, c’est le conservatisme, le regard nostalgique sur le passé, c’est la résignation qui mène la révolte, parce qu’il n’y a pas d’avenir. Nous, nous disons que le monde a un avenir, une espérance. Et c’est le Christ.
F.-X. Maigre (à Salamanque) pour La Croix