La rémission des péchés

Publié le par G&S

Recension de l’ouvrage du Père Joseph Moingt
Desclée de Brouwer, 2004, 70 p., 12 €.

 

L’ouvrage se présente comme un commentaire détaillé de la profession de foi en la rémission des péchés qui prend place dans le troisième et dernier article du Symbole des apôtres. Une place qui n’est pas indifférente si Rémission des péchés Moingtl’on songe à la construction d’ensemble du Credo : après l’affirmation de notre foi en un Dieu unique et créateur et le récit-mémorial de l’événement de salut accompli en Jésus-Christ, nous lançons un cri d’espérance vers les temps futurs où pourra s’accomplir la vocation à la sainteté à laquelle tout chrétien aspire et dont il reçoit dès ici-bas le gage, grâce à la rémission de ses fautes.

L’étude se déroule en quatre étapes :

1 – Le sens, dans l’Écriture, de cette expression et des mots qui la composent

Le péché : il signifie à la fois l’idée que l’homme se fait de lui-même, imparfait et faible face à Dieu, et l’idée qu’il se fait de Dieu, à la fois guide et juge des humains. La notion de péché semble donc capitale pour l’évolution de l’humanité puisqu’elle manifeste chez l’homme une double prise de conscience : celle de son être spécifique et celle de son lien à Dieu. Qu’est-ce que l’homme ? Et qu’est-ce que Dieu pour l’homme ?

La rémission : la rémission n’est pas l’effacement définitif de la faute mais seulement sa suspension. La miséricorde divine, qui suspend le châtiment est, en fait, un appel à la conversion.

Si, momentanément délivré de sa faute, le pécheur renonce à sa conduite perverse, son péché ne sera plus rappelé, il vivra. Loin d’être un implacable juge, Dieu fait donc appel à la liberté de l’homme et à sa pleine responsabilité. Et répond ainsi aux aspirations de tout homme et en particulier à celles de l’homme moderne qui se conçoit comme un être autonome, maître et créateur de son destin et qui se révolte donc contre ce qu’il juge insupportable : l’emprise de la religion. Mais d’une religion mal comprise, bien évidemment.

Dans la suite du chapitre, ces définitions sont abondamment illustrées par des exemples bibliques : depuis le Dieu libérateur de l’Exode jusqu’ au père miséricordieux du fils prodigue.

 

2 – La médiation du Christ dans la relation de Dieu à l’homme

Cette relation change quand Jésus « verse son sang pour la rémission des péchés ». L’envoyé de Dieu s’est mis au rang des pécheurs. Car il n’a pas été envoyé pour condamner le monde mais pour le sauver. Solidaire des pécheurs, il les entraîne dans son sillage. « Dieu était dans le Christ se réconciliant le monde » comme  le dit Saint Paul (2Corinthiens 5,19) « Nous fumes réconciliés avec Dieu par la mort de son fils (Romains 5,10) Quiconque fait confiance à cet amour divin est purifié de ses péchés et passe de la mort à la vie.

De plus, à la différence de la première Alliance, Jésus ne propose  pas de code détaillé des prescriptions à suivre  et des fautes à éviter. Mais seulement la double loi d’amour : envers Dieu, envers ses frères. Donc l’événement de la croix ne transforme pas seulement la relation entre Dieu et le monde mais aussi celle des hommes entre eux et s’étend au monde entier.

La reconnaissance par la foi chrétienne de ce nouvel ordre de salut se marque par la pratique du baptême reçu en signe de la foi au Christ  et en attente du Royaume. Par le baptême dans l’eau et l’Esprit (supérieur à celui de Jean) , tous les péchés sont remis en une seule fois. Et c’est le début d’une histoire nouvelle. Le chrétien sait qu’il est rentré en grâce devant Dieu mais qu’il lui faut attendre la rédemption définitive  dans le royaume de Dieu.

 

3 – Le temps du chrétien entre la grâce et la gloire

Observons la place de la « rémission des péchés » dans le Credo : nous ne sommes plus tout à fait dans le monde réel mais bien plutôt dans le monde à venir : je crois en l’Esprit Saint, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle . « Ce troisième article en son entier est une proclamation de l’espérance chrétienne tournée vers les derniers temps » mais l’aspect eschatologique du Symbole des apôtres risque parfois de passer inaperçu. D’autant que ces formules si denses et malheureusement si courtes sont le plus souvent récitées à toute allure par l’assistance, pressée sans doute d’en finir avec un texte qui ne lui parle guère.

Malheureusement, le Royaume n’est pas encore là. « Une chose est d’avoir reçu le don, autre chose est de le conserver jusqu’au bout ». La rémission étant acquise une fois pour toutes par le baptême, que faire si on pèche à nouveau ? L’Église des premiers temps, persuadée que la Parousie était proche, se montrait intransigeante sur ce point, on le sait. Et les candidats au baptême attendaient parfois d’être sur leur lit de mort pour recevoir le sacrement, limitant ainsi les risques de pécher à nouveau. Le temps passant, il a fallu répondre aux demandes angoissées des pécheurs, autant dire de tous ! L’Église permit alors une rechute mais une seule et au prix d’une pénitence publique très dure. Par la suite, le régime du sacrement de « pénitence » s’adoucit : pénitence privée et possibilité de multiplier la rémission des péchés. À l’époque moderne et devant le délaissement du sacrement de pénitence, on préfère un nouveau nom : la réconciliation (avec Dieu, avec son prochain, avec soi-même) qui implique une participation plus active et un nouveau sens des responsabilités mais toujours le même appel à la conversion : « le Royaume de Dieu est proche (et il l’est pour tout homme au moment de sa mort !). Repentez-vous -vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

 

4 – Rémission des péchés et pardon des offenses

Cet article de foi du Credo sur la rémission des péchés ne prend véritablement son sens plénier que si on l’associe à la cinquième demande du Notre Père (« Pardonne-nous nos offenses…). Mais à une condition : traduire cette demande avec justesse, c’est-à-dire en gardant l’image qui dans les deux textes est bien la même, celle de la dette ; envers Dieu et les uns envers les autres.

« Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs ».

La rémission des péchés, celle que nous implorons de Dieu pour les fautes commises envers lui ne peut  nous être accordée que si, à son exemple, nous l’offrons à ceux qui nous ont fait du tort. « Ainsi Dieu incarne son pardon dans celui que nous accordons à nos frères ».

La rémission des péchés est donc pour le chrétien non seulement ce qui régit sa relation à Dieu mais encore toute sa vie, en société et en Église. « L’identification faite par Jésus du pardon des péchés au pardon des offenses entre frères est la grande révolution qui ouvre une voie de salut au-delà des frontières religieuses et qui prépare la culture antique à l‘humanisme de la modernité. »

Isabelle Vissière
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Publié dans DOSSIER LE PECHE

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F
<br /> <br /> Pas vraiment d’accord sur l’interprétation (laquelle m’étonne sous la plume de J. Moingt) du troisième article : « Ce troisième article en son entier est une proclamation de l’espérance<br /> chrétienne tournée vers les derniers temps », mais l’aspect eschatologique du Symbole des apôtres risque parfois de passer inaperçu ».<br /> <br /> <br /> Il me semble, au contraire, que trop souvent, des chrétiens situent exclusivement leur d’espérance dans l’avènement des temps futurs. C’est d’ailleurs cela que retient, hélas ! Luc Ferry<br /> dans son article du « Monde », le 12 octobre : le croyant fuit la VIE PRÉSENTE DÉNUDÉE DE TOUTE TRANSCENDANCE, pour vivre nostalgiquement dans l’attente du ciel… (ce que Marx<br /> appelait, je crois bien, l’opium du peuple).<br /> <br /> <br /> Or, quand le croyant sort de l’enfermement de son égo (le péché), et s’ouvre à l’appel gratuit de Dieu, il commence alors un long cheminement de  conversion intime qui réveille en lui<br /> l’image potentielle de Dieu. Ainsi, à la mesure du retournement de sa conversion, il tend à se réconcilier avec lui-même, avec les autres ses frères, et avec l’Autre (cf. St Augustin). Ce Dieu<br /> source d’amour ne réside pas dans les nuages, mais dévoile, à la liberté de l’homme, une vocation à un niveau de dignité humaine qui rejoint la transcendance. C’est la sortie du monde des seules<br /> apparences, éphémères et contradictoires, pour pénétrer, très progressivement, dans le monde éternel des vraies valeurs, lequel peut commencer dès ici et maintenant.<br /> <br /> <br /> Francine Bouichou-Orsini<br /> <br /> <br /> <br />
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