La mondialisation : le pire et le meilleur
Dans ma dernière chronique, j’évoquai le colloque organisé par l’université bouddhiste d’Avalon sur le thème « Économie et Spiritualité ». Edgar Morin parrainait cette manifestation. Dans un message vidéo diffusé lors de cette rencontre, il analyse le phénomène de mondialisation comme totalement ambigu, capable du meilleur ou du pire. Pour l’instant, déclare-t-il : « le pire domine parce que dans cette course effrénée, nous détruisons notre environnement naturel, la biosphère ; c’est une course effrénée où nous produisons des armes de destruction massive, c’est une course effrénée où des inégalités s’accroissent de façon explosive, c’est une course effrénée pour la puissance et pour les réalités matérielles, qui néglige de plus en plus les qualités morales et spirituelles. En plus nous voyons que ce qu’on peut appeler la pieuvre de la spéculation financière, et le réveil de la pieuvre des barbaries humaines - c'est-à-dire des fanatismes, des haines, des mépris - tout ceci nous conduit vers des catastrophes hautement probable » 1.
Et en effet, l’époque est
dure pour ceux qui souhaitent donner un sens universel à leur réflexion et leur action. La mondialisation marxiste par l’union des prolétaires s’est écroulée. La main invisible du marché
qui devait assurer une harmonieuse répartition des richesses ne cesse de provoquer fractures sociales et chômage. Quant aux religions, elles vivent les tentations contraires de la conquête et du
repli dans un spirituel désincarné. En ces temps désenchantés, les individus oscillent entre la dépression devenue une des premières maladies de l’époque, les tentations
claniques et identitaires ou, pour ceux qui en ont les moyens, la distraction morose dans la consommation.
Ceci dit, la mondialisation peut aussi être une chance comme l’affirme également Edgar Morin dans son message : « Mais le meilleur, qui ne s’est pas
encore réalisé, c’est que pour la première fois toute l’humanité vit une communauté de destin, les mêmes problèmes, les mêmes périls mortels, et les mêmes problèmes vitaux à traiter. C’est ça qui
pourrait nous inciter à trouver une nouvelle culture, une nouvelle civilisation sur cette terre qui deviendrait une vraie patrie
humaine ».
Parmi les sources spirituelles d’une mondialisation humanisante, l’Evangile
invite les hommes « fils d’un même Père » à assumer leurs différences, non, plus comme des frontières qui excluent, mais comme une invitation faite à chacun d’assumer ce qu’il a d’unique. La
fraternité entre des hommes assumant leur singularité apparaît alors comme le seul chemin non totalitaire vers la totalité de l'humain. Elle seule fera que la mondialisation sera autre
chose que le champ libre laissé aux prédateurs financiers et aux courants populistes.
Bernard Ginisty
1 – cf. Université Rimay-Nalanda, Domaine d’Avalon, 73110 Arvillard. Site www.université.rimay.net