La démission du Pape, acte de courage et de lucidité
Le geste de Benoît XVI donnant sa démission, à la surprise générale, est un acte de courage et de lucidité qu’il convient de saluer comme tel.
Acte de lucidité d’abord. À bientôt 86 ans, et même en supposant une excellente santé, comment assumer une charge aussi lourde ? La décision s’impose plus encore lorsqu’on prend conscience que la vigueur et physique et psychologique diminue.
Mais c’est surtout un acte de courage. Car c’est une nouveauté dans l’Église catholique, qui se situe à contre-courant de toute une mentalité traditionnelle. Le Pape Jean-Paul II y avait songé, après 25 ans dans cette fonction, mais il y avait renoncé, prisonnier d’une vision mystique et sacralisée de sa mission. Cela avait été à mon avis une grave erreur de sa part, car nul plus que lui n’avait l’autorité pour créer du neuf. Benoît XVI, lui, a eu ce courage et cette lucidité. Et donc, ce qui est le plus important, une conception un peu moins sacralisée de sa mission.
Personnellement, j’étais de ceux qui souhaitaient cette démission. Dans des fonctions aussi importantes, il faut savoir se retirer, et Benoît XVI l’avait envisagé, avec intelligence et lucidité, dès 2010. D’ailleurs, depuis le Pape Paul VI les évêques du monde entier, inamovibles auparavant jusqu’à leur mort, doivent remettre leur démission à 75 ans. Or c’est en tant qu’évêque de Rome que le Pape a une fonction particulière dans l’Église : il n’est pas sacramentellement un super-évêque, il est donc tout-à-fait normal qu’il envisage sa démission, comme les autres évêques.
Cette décision crée donc du nouveau dans l’Église. Un grand journal va jusqu’à titrer « Le geste qui change l’Église ». En effet, il sera désormais normal pour les Papes à venir d’envisager leur démission, soit de leur plein gré, soit à 75 ans, de façon à donner l’exemple à leurs frères dans l’épiscopat.
Le monde a changé : on parle encore du « règne » du Pape, comme s’il s’agissait d’un monarque. Mais aujourd’hui même les monarques constitutionnels offrent leur démission (ce qui vient de se dérouler aux Pays-Bas !) À plus forte raison une fonction qui se veut au service de Jésus-Christ et de l’Église Universelle.
Et pour l’avenir ? Jean-Paul II avait déjà souhaité que les théologiens réfléchissent à la manière d’exercer le ministère propre de l’Évêque de Rome, manière pouvant faciliter la marche vers l’unité de tous les chrétiens. On peut souhaiter que le prochain Évêque de Rome vive son ministère de manière plus collégiale, en ayant surtout le souci de l’unité entre toutes les Églises, ce qui est sa mission première.
Personnellement, tout-à-fait à contre-courant de ce que pensent les médias, qui sont portés à faire du Pape une super-vedette internationale, je souhaite que le prochain Pape soit un Italien, puisque Rome se trouve en Italie : qui envisagerait de nommer un Anglais ou un Allemand comme Archevêque de Paris ? Un Italien serait mieux placé pour, comme l’avait fait Jean XXIII, redonner à cette fonction une modestie et un enracinement local.
Jésus était un Juif, il n’a jamais quitté la Palestine, mais c’est pourtant bien en lui que les chrétiens reconnaissent le Fils Unique de Dieu et le Sauveur Universel.
Jacques Lefur