La Culture française, culture armée ?
La politique n’entre pas directement dans les préoccupations éditoriales de Garrigues et Sentiers. Mais il arrive qu’elle touche à des questions de culture (comme l’a rappelé le Premier Ministre) et pose des problèmes de méthode sur le plan intellectuel. Dans la polémique soulevée contre Mme Éva Joly à propos de ce qu’elle a dit sur le défilé du 14 juillet, il semble que nombre d’antagonistes ont réagi sans avoir lu ce qu’elle avait dit exactement. Selon l’AFP, généralement présentée comme “une agence de presse mondiale fournissant une information rapide, vérifiée et complète sur les événements qui font l'actualité internationale…”, elle aurait déclaré, en marge d’un rassemblement pour les valeurs de la République :
« J’ai rêvé que nous puissions remplacer ce défilé (militaire) par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d’être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent »
Apparemment, cette proposition qui étonne ses adversaires serait une pratique habituelle dans son pays d’origine, la Norvège, où des dizaines de milliers d’enfants en costumes nationaux peuvent défiler à Oslo, le 17 mai, jour de la fête nationale célébrant la Constitution.
Cette femme n’est ni la première ni la seule qui ait regretté l’exaltation de la “France guerrière”. Certains ont rappelé que notre “Marseillaise”, monument s’il en est de “notre culture nationale”, a été écrite dans un contexte historique dramatique (avril 1792, déclaration de guerre à l’Empire d’Autriche plaçant la Révolution face à l’Europe), ce qui peut expliquer son côté “sanglant”. D’autres — et non des moindres : Alphonse de Lamartine (poète et candidat à la Présidence de la République en 1848, tiens ! déjà ?), Victor Hugo, autre héros de notre culture, en ont critiqué les paroles… L’Abbé Pierre, pourtant peu suspect d’être un “mauvais français” : Grand-croix de la Légion d’honneur, (Chevalier à titre militaire), Croix de guerre 1939-45 avec 2 palmes, Médaille de la Résistance, Médaille des évadés… avait proposé qu’on mette, sur l’air de la “Marseillaise”, des couplets plus iréniques. « L'hymne national, c'est l'âme d'un peuple. Parce que nous aimons la France, nous ambitionnons pour elle un message qui s'harmonise avec son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité. » Il aurait même ajouté, à propos de l’aspect guerrier des paroles de l’hymne : « Je ne la chante pas depuis que j'ai pris conscience de cette introduction dans les esprits d'une notion raciste, je ne peux absolument plus... Nous ne pouvons pas entretenir le culte de la pureté du sang après avoir vécu ce que nous avons vécu en France. Cette idée que nous pourrions avoir un sang pur et que celui des autres serait impur est tout à fait inacceptable. C'est du racisme. On nous fait chanter et célébrer du racisme. »
La remarque de Mme Joly semble tout de même moins “hérétique” que ces propos de “Français de souche”.
Marc Delîle