L’Europe à la croisée des chemins

Publié le par G&S

Lors du dernier Conseil européen, le premier Ministre britannique David Cameron a refusé de s'associer au projet de nouveau traité qui se propose de renforcer les mécanismes de solidarité entre les pays de la zone euro au prix d'une convergence budgétaire renforcée. Le Premier ministre britannique a exigé un protocole exonérant les services financiers de certaines réglementations, ce que les autres pays ont refusé. Ce veto constitue un tournant dans l’histoire de la construction européenne.

Peter Mandelson, plusieurs fois ministre dans les gouvernements travaillistes et commissaire européen au commerce entre 2004 et 2008 me semble avoir bien perçu toute l’importance de cette décision. Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, il écrit ceci : « On commence à appréhender dans toute leur ampleur les conséquences de la décision historique de David Cameron de séparer la Grande-Bretagne du reste de l’Europe. Non seulement nous nous sommes exclus d’une Europe à deux vitesses, mais notre pays s’est engagé dans une autre direction. Si l’énorme déception qu’éprouvent les dirigeants européens à notre endroit ne s’apaise pas et si le populisme anti-européen gagne du terrain en Grande Bretagne, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l’appartenance même de notre pays à l’Union européenne et, par conséquent, sur notre avenir économique » 1

En se comportant en fondé de pouvoir de la City de Londres dont les mœurs financières sont une des causes de la crise qui agite la planète 2, le premier ministre britannique, comme des sondages semblent le montrer, rejoint le sentiment anti-européen croissant en Grande-Bretagne. Au lieu de participer à l’approfondissement de l’intégration européenne afin de relancer l’économie de l’Union, il choisit de défendre la logique des marchés financiers non régulés qui lui semble un gage de prospérité pour son pays.

Une fois encore, on peut constater que toute crise conduit à faire des choix et donc à dire ce que l’on privilégie et ce que l’on considère comme secondaire. Comme l’affirme Joseph Daul, Président du groupe du Parti Populaire au Parlement européen : « L’isolement britannique montre que le gouvernement de ce pays considère l’Union européenne comme une simple zone de libre échange sans aucune considération pour la solidarité et la responsabilité à l’égard de ses partenaires ».

Lorsque l’euro a été créé, certains pensaient que le seul fait de l’existence d’une monnaie unique entraînerait une intégration économique et politique. Or il ne s’agissait pas d’une conséquence automatique, mais d’une exigence. Aujourd’hui, chaque pays européen doit s’interroger pour savoir comment il accepte d’élargir les frontières de ses solidarités.

Plus que jamais, la construction européenne apparaît comme un des laboratoires où s’inventent de nouvelles formes de gouvernance après l’échec des États nationaux et des marchés financiers à promouvoir une conscience citoyenne planétaire.

Bernard Ginisty

1 –  Sir Peter Mandelson : Laisser la Grande-Bretagne s’éloigner de l’Europe est aussi périlleux que désinvolte. Journal Le Monde du 14 décembre 2011, page 24.

2 – Pour l'Allemand Martin Schulz, président du groupe Socialiste et Démocrate au Parlement européen, « c'est dans la City de Londres que sont les spéculateurs qui nous ont fait plonger dans cette crise si profonde ».

Publié dans Réflexions en chemin

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