L’eucuménisme m’ulcère l’eusophage !
Une sainte et tenace colère m’incite depuis longtemps à sortir de mes chroniques bibliques pour pousser un grand coup de gueule contre l’habitude qu’ont prise trop de français, y compris des prêtres, religieux et intellectuels chrétiens, de parler de l’eucuménisme !
Je précise donc la source de ma colère : le mot qu’ils prononcent ainsi est bien le mot œcuménisme, substantif qui a une étymologie grecque : oikoumenê (ghê), qui signifie terre habitée, et qui est le féminin du participe passé passif du verbe oïkéô, habiter.
C’est la diphtongue oi – qu’on prononçait oï dans le grec ancien à la sauce érasmienne – qui est au cœur de cet article.
Des mots grecs possédant cette diphtongue ont donné en français un certain nombre de substantifs comme la sympathique œnologie (de oïnos, vin), la venimeuse œnanthe (de oïnanthê, bourgeon de vigne), le psychanalytique œdipien (de Oïdipos, Œdipe), les tristes œdème (de oïdêma, tumeur) et cœlioscopie (de koïlia, cavité), le piquant œstre (de oïstros, taon), les intimes œstrus et œstrogène (de oïstros, fureur), le vieux cœlacanthe (de koïlos, creux et akantha, épine) et l’archéologique pœcile (de poïkilê, peint de couleurs variées).
Le décor étant mis en place, il est temps de prendre la peine de remarquer que la racine oïkos de l’œcuménisme est aussi la racine des mots français écologie (science – logos – de la maison), économie et économe (administration et administrateur de la maison). Il devient alors évident que les racines grecques en oï dans les mots français DOIVENT SE PRONONCER AVEC LE SON É : écuménisme, énologie, édipe, édème, célacante, etc.
Mais il y a mieux encore pour toucher à l’absolue sûreté : l’espèce de ver qui donne le tournis aux animaux s’écrit aussi bien cénure que cœnure, mais surtout… on peut écrire indifféremment écoumène, œcoumène ou œkoumène pour désigner l’espace habité de la surface terrestre qui a donné son nom à l’œcuménisme !
Mais, me direz-vous, on prononce pourtant œuf, œuvre, bœuf, cœur, nœud, sœur, vœu, mœurs (prononcé meur et non pas meursss !), œil… Oui, certes, et ce n’est pas parce que ces mots viennent du latin (ovum, opus, bos, cor, nodus, soror, votum, mores et oculus) et non du grec, mais parce qu’aussi bien le u dans les huit premiers que le i dans le dernier justifient cette prononciation.
En effet, fœtus, qui vient lui aussi d’un mot latin, se prononce fétus car n’a pas d’autre voyelle après le œ.
Pour sortir un peu de France, notons que le foehn se prononce feun et n’entrelace pas son o et son e, que le lœss les entrelace tout en se prononçant leuss… et que le roentgen ne les entrelace pas et s’écrit aussi röntgen (du nom du physicien) prononcé reuntghen… mais parce qu’ils sont tous trois allemands…
Il me reste à faire le vœu que l’œcuménisme soit un nœud de plus en plus solide entre les Églises chrétiennes qui sont des sœurs en Jésus-Christ (prononcé krist et non pas kri !).
Et cela me tient à cœur par-dessus tout !
René Guyon
Note du rédacteur : Le titre fait allusion à une expression de Provence,
prendre une estoumagado (prononcer estoumagade ; la racine évidente est estomac), qui correspond plus ou moins au "tu me fends le cœur" du César
de Pagnol pendant la partie de cartes... C'est ce que me fait la pronociation eucuménisme... J'ai le cœur fendu par elle...