L’Église de France dans le sillage de François

Publié le par G&S

Mgr Georges Pontier a ouvert mardi 5 novembre la session d’automne de l’assemblée plénière des évêques, qui se tient à Lourdes jusqu’au 10 novembre.
Pour son premier discours comme président de la conférence épiscopale, l’archevêque de Marseille a adopté un ton résolument social.
À la suite du pape François, il appelle les catholiques de France à être proches des pauvres et des étrangers et à montrer l’exemple d’une société qui n’exclut pas.

La référence au pape François avait surgi dès l’élection de Mgr Pontier à la tête des évêques de France, le 17 avril. Dans la modestie du style comme dans l’attention manifestée sans relâche aux plus pauvres. Mardi matin 5 novembre, elle s’imposait plus que jamais dans la bouche de ses confrères, à l’issue du premier discours à Lourdes de l’archevêque de Marseille, dans ses nouvelles fonctions.

« Jorge et Georges se ressemblent beaucoup, Mgr Pontier a un style très bergoglien », s’amuse Mgr Hervé Giraud, évêque de Soissons, en relevant que l’archevêque de Marseille a insisté mardi sur l’humilité, reprenant un thème cher au pape.

« Le point de départ de Mgr Pontier, c’est l’atmosphère nouvelle ouverte par le pape François, souligne Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille. Il fait le constat des souffrances et des pauvretés pour appeler à la fraternité. Il adresse ses salutations à tous, chrétiens ou non, pour les inviter à vivre cette fraternité, comme par exemple avec les Roms. »

« Regarder la vie du monde à partir » des pauvres

« Ce souci des plus pauvres, a dit Mgr Pontier, doit d’abord être celui des évêques ». Rappelant les propos du pape François, il recommande à ses confrères « d’avoir une vie simple, personnellement et en Église, où la pauvreté choisie prend toute sa place », et d’être au service de tous ceux qui sont dans le besoin. « Il [le pape] nous invite à la compassion, à la charité, à la miséricorde. Il remet au centre de notre contemplation le visage d’un Dieu qui s’est fait homme pour guérir et sauver, pour relever et embrasser, pour réconforter et panser les plaies diverses de la vie d’ici-bas », a-t-il poursuivi.

C’est encore en référence au pape que le président de la conférence épiscopale a affirmé que l’un des actes « le plus important et le plus délicat » du ministère épiscopal est « le discernement spirituel ». « Le pape François nous rappelle qu’il s’agit de sentir les choses du point de vue de Dieu », a-t-il expliqué. Un exercice exigeant qui conduit à se laisser « décentrer » en regardant la vie du monde « à partir des plus pauvres, des petits des affligés ».

« Regarder la vie du monde à partir d’eux, de leurs besoins, de leurs cris, humanise, invite à faire des choix qui privilégient la fraternité, la justice et la solidarité », a insisté l’archevêque de Marseille, en s’appuyant sur plusieurs grands dossiers de l’actualité récente. À commencer par le « sort qui est fait aux populations d’origine bulgare ou roumaine venues vivre dans notre pays ». Sans prononcer le mot Roms, peut-être trop stigmatisant, il a déploré de ne voir se dessiner « depuis plusieurs années (…) aucune politique autre que celle de refuser au plus grand nombre un accueil réalisable et souhaité par beaucoup d’entre eux ».

« Quand retrouverons-nous le sens minimum d’une fraternité et d’une solidarité réelles ? »

Sans nier la « complexité de la question » et sa dimension européenne, Mgr Pontier a dénoncé en des termes sévères la politique de destruction des campements, mettant aussi en garde contre les « propos haineux » et les « violences » subies par ces populations.

Les évêques de France, qui consacreront mercredi une grande partie de leur réflexion à l’Europe, craignent que les élections européennes du 25 mai 2014 ne soient marquées par un débat violent sur la question des migrations.

Poursuivant son tour d’horizon de l’actualité sur un ton « grave et serein », selon l’expression de Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, Mgr Pontier a évoqué la précarité, source d’angoisse et d’inquiétude pour une part croissante de la population. « C’est une injure faite aux plus démunis », a-t-il affirmé, voyant dans ces évolutions une menace pour « la cohésion de nos sociétés et de la paix dans le monde ».

« Quand retrouverons-nous le sens minimum d’une fraternité et d’une solidarité réelles ? Quand s’arrêtera la course au toujours plus pour quelques-uns afin que chacun ait ce qu’il lui faut pour vivre ? », a-t-il interrogé, avant d’exprimer ses encouragements à tous ceux qui, dans le cadre de leurs responsabilités, « s’emploient à trouver les chemins d’une société plus juste ».

« Faut-il s’en remettre aux seules techniques pour vivre et traverser les limites de nos existences ? »

C’est alors que le président de la CEF a évoqué, à sa manière, les enjeux de société liés au mariage entre personnes de même sexe et à la future loi sur la fin de la vie. « Faut-il s’en remettre aux seules techniques pour vivre et traverser les limites de nos existences ? », a-t-il interrogé, sur fond de revendications des couples homosexuels à pouvoir accéder à la procréation médicalement assistée après avoir obtenu le droit de se marier. Un débat sur lequel Mgr Pontier n’est d’ailleurs pas revenu, sauf pour indiquer qu’« au printemps dernier, beaucoup se sont manifestés en faveur de la défense de la famille et des droits des enfants ».

L’archevêque de Marseille s’est aussi interrogé sur l’opportunité d’une nouvelle législation sur la fin de vie, estimant que le système législatif actuel est largement suffisant. Il a indiqué que ce n’était pas « contrevenir à la séparation des Églises et de l’État » que d’intervenir sur ces « questions prégnantes », rappelant que si « l’État est laïque » et se doit « d’observer une neutralité bienveillante » dans son fonctionnement, « la société, elle, est composée de personnes et de groupes aux convictions diverses qui doivent apprendre à dialoguer, à se respecter, à ne jamais aller au-delà de ce qui pourrait troubler la vie publique ou exprimer une volonté d’hégémonie ».

Ce rôle, l’Église de France entend bien le jouer « avec beaucoup d’humilité et avec la conscience vive que nos paroles doivent s’accompagner d’actes et d’initiatives ».

Dominique Greiner et Bruno Bouvet, à Lourdes
Extrait de la-croix.com du 5 novembre 2013

Publié dans Signes des temps

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