L’acte sexuel, brasure divine

Publié le par G&S

« Hou la la ! Guyon se lance dans le torride au cœur de cet été qui ne l’est pas moins ! Que va-t-il encore inventer ? » Je vous entends déjà, amis Internautes, mi-inquiets mi-curieux mais totalement alléchés !

Oui, voici un article torride, d’une chaleur qui trouve sa source dans le rayonnement de l’amour total !

Mais trêve de prolégomènes ! Lançons-nous…

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Je voudrais aujourd’hui vous entretenir d’un épisode biblique particulièrement massacré par les bibles en français et pourtant d’une importance fondamentale pour entrevoir la vision de Dieu sur le couple humain.

Dressons le tableau.

Nous sommes au chapitre 2 du livre de la Genèse. La femme a été créée par Dieu à partir de l’être humain primordial au cours d’une opération chirurgicale qui a créé en lui un vrai manque : Dieu lui a pris la moitié de son corps pour modeler la femme, os de ses os et chair de sa chair (2,23).

Il est maintenant un homme mâle –’yish – et la femme, homme femelle qui a été tirée de son corps, a évidemment un nom qui rappelle le sien : elle est ’ishah.

Le verset suivant du texte biblique (2,24) commente cette situation nouvelle ; la Traduction liturgique de l’Église catholique romaine écrit : À cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un (traduction © AELF).

On notera que le texte dit que l’homme ’ish doit quitter ses parents… seulement l’homme, pas la femme…

La femme suscitera involontairement et immédiatement en l’homme le désir de s’attacher à elle. L’homme (et ses descendants) va pour cela devoir quitter son père et sa mère, rompre les liens les plus forts, les liens du sang 1, tout ce qui fait que l’homme est ce qu’il est, puisqu’il est os des os et chair de la chair de son père et de sa mère.

Aucune traduction française n’est satisfaisante car le texte hébreu reprend, bien sûr, le jeu de mots ’iysh-’ishah pour homme-femme ; on pourrait traduire : Monsieur Chacun laissera son père et sa mère pour se souder à sa Madame sa Chacune !

Oui, j’ai écrit se souder là où les traductions disent en général s’attacher (seul Chouraqui utilise un verbe qui traduit bien l’hébreu : il colle à sa femme) et je voudrais maintenant méditer sur cette traduction, qui va beaucoup plus loin qu’elle n’y paraît.

Pour cela nous allons observer le texte hébreu.

  femme    homme

 אִישׁ    אִשָּׁה

On voit sans peine que les lettres communes à ’yish (homme) et ’ishah (femme) sont le א, ’aleph et le שׁ, shin ; avec les lettres restantes, י, yod et ה, , on peut écrire le mot יָהּ, yiah, Dieu.

L’homme et la femme ont alors deux attitudes possibles :

si l’homme et la femme fusionnent l’un avec l’autre – donc se fondent l’un dans l’autre – leurs lettres communes ’aleph et shin perdent leurs voyelles (le point et le petit t sous les mots qui est la voyelle a) et se fondent complètement pour donner la forme de très loin la plus courante de ce mot de deux consonnes : אֵשׁ, ’esh, le feu !

L’homme et la femme sont alors feu de Dieu, souvent dévastateur, comme le prouve Job 1,16 : Le feu de Dieu est tombé du ciel ; il a brûlé les brebis et les pâtres jusqu'à les consumer !

si l’homme et la femme se soudent sans fusionner et acceptent d’être liés entre eux par un autre qu’eux-mêmes, ils se soudent par brasure (soudure par apport d’un autre ingrédient, donc non autogène) 2 et leurs lettres gardent leurs voyelles intactes !

L’homme et la femme forment alors les mots ’ish yah qui disent : « il y a Dieu » ! 3

Dieu est alors la « matière première », la « matière agissante » de la brasure, de l’embras(s)ement de l’homme et de la femme dans un amour total mais non fusionnel !

L acte sexuel

Dieu, source de l’Amour, est présent – ô combien ! – dans l’acte conjugal, et sa présence active confirme la grandeur de cet acte trop longtemps et trop souvent considéré par l’Église comme un passage obligé pour l’enfantement et non comme l’acte le plus créateur de la vie d’un couple, pour lui-même et pas seulement pour l’enfantement.

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Pour terminer, je voudrais vous montrer deux autres merveilles de ce texte : à la fin du verset 24, il est dit que chacun se soudera à sa chacune, et le texte ajoute : et ils deviennent une seule chair.

1 – Le mot hébreu qu’on trouve là veut bien dire chair ; pour un francophone c’est un mot amusant : basar, בָּשָׂר.

La Bible de Jérusalem écrit en note du verset 2,21 : La chair (basar), c’est d’abord, chez l’animal ou l’homme, la “ viande ”, les muscles, 41,2-4 ; Ex 4,7 ; Jb 2,5. C’est aussi le corps entier, Nb 8,7 ; 1R 21,27 ; 2R 6,30, et donc le lien familial, 2,23 ; 29,14 ; 3,27, voire l’humanité ou l’ensemble des êtres vivants (“ toute chair ” 6,17.19 ; Ps 136,25 ; Is 40,5-6).

L’âme, 2,7+ ; Ps 6,5+, ou l’esprit, 6,17+, animent la chair sans s’additionner à elle, en la rendant vivante.

Souvent néanmoins la “ chair ” souligne ce qu’il y a de fragile et de périssable en l’homme, 6,3 ; Ps 56,5 ; Is 40,6 ; Jr 17,5 ; et peu à peu l’on percevra une certaine opposition entre les deux aspects de l’homme vivant, Ps 78,39 ; Qo 12,7 ; Is 31,3 ; cf. aussi Sg 8,19 ; 9,15+.

L’hébreu n’a pas de mot pour dire “ corps ” : le NT suppléera à cette lacune en développant sôma à côté de sarx, cf. Rm 7,5+ ; 7,24+.

Bel exposé très savant et respectable à ce titre.

Mais basar c’est aussi (je ne sais pas du tout si c’est un hasard) un verbe qui signifie : annoncer une nouvelle... et plus particulièrement une bonne nouvelle ! C’est ce verbe qui est employé en Isaïe 52, 7 : Qu'ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager de bonnes nouvelles (mebasar) qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles (mebasar) qui annonce le salut, qui dit à Sion : « Ton Dieu règne. »

Le texte de la Création, en apothéose, nous dit « simplement », en parlant de l’homme et de la femme (Genèse 2,24) : Monsieur Chacun laissera son père et sa mère pour se souder à Madame sa Chacune ; et ils sont Bonne Nouvelle Unique (de Dieu).

Ils annoncent l’ÉVANGILE DE LA VIE ! 4

2 – Le texte hébreu se termine par basar échad (prononcer bassar érad), qui ne signifie pas vraiment une seule chair mais plutôt chair une.

Comment ne pas faire le rapprochement entre le basar échad de ce texte avec le fameux YHWH echad (D.ieu est Un) du Shma’’ Israël (Deutéronome 6,4) que chantent nos frères juifs tous les matins que D.ieu fait ?

Oui, Dieu est dans cette chair une de l’homme et de la femme dans l’acte sexuel.

o O o

Dieu, merci pour cet acte de brasure, pardon : cet acte de bravoure au nez et à la barbe de tous les faux-culs de ta création !

René Guyon

1 – Il faut se rappeler que le substantif ’adam qui désigne à l’origine l’être humain avant de désigner l’homme mâle est construit sur la racine dam, qui signifie sang.
2 – Le brasage (dont la brasure est le résultat) des métaux est un procédé d'assemblage permanent qui établit une continuité métallique entre pièces réunies. Le mécanisme du brasage est la diffusion/migration atomique de part et d'autre des bords à assembler (substrat) obtenue par action calorique et/ou mécanique. Contrairement au soudage, il n'y a pas fusion des bords assemblés (source : Wikipedia).
Les 20 ans que j’ai passés dans la métallurgie des métaux non ferreux m’ont accoutumé à l’usage de ce terme peu (ou mal) connu.

3 – ’ish n’est pas ’iysh et signifie il y a et non pas homme !
4 – En hébreu Évangile se dit besarah.

Note de l'auteur : cet article développe une lecture que j'ai déjà esquissée en 2010 dans l'artice Mémoire de mâle

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B
<br /> M. GUYON, vous nous régalez une fois encore d’un article superbe !<br /> <br /> <br /> Et puisque ces lignes, au-delà de l’éveil du sens gustatif, ont la vertu de nourrir ma réflexion, je me permets de vous livrer quelques-uns de ses<br /> fruits :<br /> <br /> <br /> L’on pourrait rapprocher vos remarques finales 1 & 2 et traduire l’ensemble "une seule chair" basar<br /> echad (בָשָׂר אֶחָד) des deux façons possibles, à savoir "chair Une" et "bonne nouvelle Une", puisqu’est ici reprise la tournure très particulière de Gen I,5 où il est<br /> écrit (après que la LUMIERE ait été reconnue bonne) : yiom echad (יוֹם<br /> אֶחָד), "jour Un" et non "premier jour" (qui serait יוֹם<br /> רִאשׁוֹן yiom rishon).<br /> <br /> <br /> La concordance avec le shema’ est évidente, et sans doute même se veut-elle explicite : de même que ce jour<br /> Un n’a rien de commun avec les autres jours créés, étant Jour de l’Un, de même cette chair - bonne nouvelle est-elle "chair – bonne nouvelle de l’Un", ce Un étant bien évidemment le Tétragramme du shema’.<br /> <br /> <br /> Je ne résiste pas non plus à rappeler l’aphorisme rabbinique qui, même si vous avez souhaité écarter la notion de<br /> procréation de votre propos, affirme que dans la conception de l’enfant ce sont trois qui interviennent : l’époux (אִישׁ yish), l’épouse (אִשָּׁה yishah) et le "Saint Nom" (יָהּ Yah)… Ce Nom étant, ainsi que vous l’avez développé, la "matière agissante"<br /> de la brasure. Ce n’est certes pas au métallurgiste que je ferai remarquer que l’objet résultant de la brasure de deux pièces (ici, le ‘procréé’) est bien plus que la simple somme de ces deux<br /> pièces.<br /> <br /> <br /> Enfin, un peu à la façon dont vous avez lu Jonas (jonas-un-drole-d-oiseau-dans-un-drole-de-poisson), il semblerait qu’ici aussi on<br /> assiste à un changement, un retournement même, sous forme de l’inversion du processus initial d’organisation du créé. En effet, alors que D.ieu (אֱלֹהִים Elohim) avait à chaque fois opéré une distinction (וַיַּבְדֵּל vayabdel : "Il sépara", "Il distingua") dans ce qu’Il venait de Créer, Il précise que c’est au contraire par l’union des oppositions sensibles<br /> (אִישׁ + אִשָּׁה) que réside la clé du retour vers Lui. On n’est dès lors pas très éloigné -à mon sens- de la lecture mystique du Cantique, non plus que de la conjunctio oppositorum médiévale (pas celle de C.G YUNG, dont j’ignore à<br /> peu près tout).<br /> <br /> <br /> Bonnes suites et régalez encore ainsi vos lecteurs (pour leur édification goûtue !).<br /> <br /> <br /> B.<br />
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@
<br /> Merci M-O pour ton commentaire !<br /> Tu as sûrement raison en disant que pour les juifs il s’agit de l’enfant.<br /> Élie Munk (La voix de la Torah) n’en parle pas ; il voit dans ce verset le principe de monogamie (SA femme) et un lien pour l’éternité.<br /> Pour ma part je n’ai jamais pensé à l’enfant éventuel à propos de ce verset mais à l’acte sexuel lui-même, qui est l’acte par excellence de l’amour conjugal, ce qui explique mon intérêt pour la<br /> SOUDURE !<br /> Quant à la chair de la résurrection, j’y avais encore moins pensé parce que la résurrection est un événement personnel et non de couple,<br /> même si j’espère  - évidemment - vivre mon éternité avec ma chérie d’ici-bas  !!!<br />
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M
<br /> …"vers une chair une"<br /> <br /> <br />              <br /> basar           :<br /> <br /> <br /> Je me suis toujours demandé si ce basar, ne peut pas être interprété comme<br /> La chair de La résurrection.<br /> <br /> <br /> Pour nos amis Juifs, il n'y a pas d'ambiguïté : il s'agit bien de<br /> l'enfant.<br /> <br /> <br /> Mais en tant que chrétienne, j'aime l'interprétation qui consiste à dire que l'être<br /> humain qui trouve son unité, son harmonie, sans fusion ni confusion, sa plénitude (שלום) fait l'expérience tangible de la résurrection<br /> de la chair.<br /> <br /> <br /> N'est-ce pas en cela que l'on peut parler de la résurrection de la<br /> chair ? N'est-ce pas cela que nous confessons dans notre credo ?          <br />                            <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Cher ami René Guyon, qu'en penses-tu ?<br />
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R
<br /> Hou la la !! Pas inquiet mais un peu curieux toujours de voir notre ami René s'embarquer dans l'une de ses savantes analyses.<br /> <br /> <br /> Moi,je suis toujours admiratif devant les délicats démontages et remontages de nos theologiens,nos historiens,nos sociologues....Aujourd'hui,notre brillant bibliste rajoute un petit chapitre sur<br /> le travail des métaux.  Moi,ça m'arrange plutôt!<br /> <br /> <br /> Comme déjà annoncé,je suis relativement éloigné de ces spéculations intellectuelles et m'efforce de concilier, en paysan du Danube ,mon bon sens,mes tentatives de foi en un Dieu créateur et<br /> quelques rudiments de culture scientifique....<br /> <br /> <br /> Que m'inspire l'acte sexuel ?   Si Dieu a créé la nature;la vie;l'animal humain pensant,Il voulait indubitablement prolonger,développer. Si l'acte avait dû être désagréable,il est probable<br /> que l'humanité se serait éteinte depuis longtemps.Mais non,Il nous a joué un bon tour puisque les Psy nous disent=<br /> <br /> <br /> Ainsi donc,avec l'AMOUR que Dieu a inventé,homme et femme peuvent s'attacher sans fusionner,chacun restant Un lui-même....<br /> <br /> <br /> Aussi,après tout,si le theologien traducteur romain commet une faute de lunguistique en parlant d'attachement,ce n'est pas incompatible avec la thèse de la brasure,chère à notre bibliste...<br /> <br /> <br /> Robert Kaufmann<br />
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F
<br /> "Monsieur" Guyon,<br /> <br /> <br /> C'est "madame" fanfan" qui répond:<br /> <br /> <br /> tout d'abord un grand merci d'une femme qui sait enfin(entre autre) en le lisant noir sur blanc(à partir de vos écrits et notamment:Mémoire de mâle) ceci, si courageusemente exprimé!!!:<br /> <br /> <br /> ...."nous ne pouvons qu’en conclure, nous, mes frères les hommes mâles, sinon – même si c’est<br /> quelquefois difficile à admettre – que la femme, notre compagne, notre épouse, notre alliée féminine est beaucoup plus sophistiquée, beaucoup plus élaborée, beaucoup  plus complexe que<br /> nous..."<br /> <br /> <br /> Après ces remerciements sincères je me dois aussi de ré-écrire (car il me semble l' avoir déjà écrit...) que cette bonne et noble interprétation biblique de la création<br /> <br /> <br /> de l'Humain "principe mâle et femelle" rejoint en quelque sorte l'explication moins poétique (encore que...)que la Biologie fait de l'apparition des êtres sexué(e)s.<br />  Primitivement, au début de la vie , n'existait que des "uni-cellules" principe femelle.Au moment de la reproduction la cellule mère se divisait en deux cellules filles identiques et ainsi<br /> de suite...Jusqu'au jour où il y a eu transformation d'un des principes femelles et on vit apparaître un appendice qui en pénétrant à travers la membrane d'une cellule restée  "classique"ou<br /> "ordinaire " ou "normale"(choisir le terme que l'on préfère....), établit la première reproduction sexuée...<br /> <br /> <br /> Cette explication succincte est en quelque sorte  l'envers de celle de la Genèse ,<br /> <br /> <br /> mais les conclusions me semblent être identiques...pour la transmission du<br /> <br /> <br /> principe Vie ...<br /> <br /> <br /> <br /> Nous devons cependant souligner que certains êtres unicellulaires , encore de nos<br /> <br /> <br /> jours se reproduisent  uniquement par scissiparité...Point de soudure ni de<br /> <br /> <br /> brasure...<br /> <br /> <br /> En serait-il alors de même de certains "individus mâles" qui ne peuvent retrouver<br /> <br /> <br /> leur"moitié femelle" car ça leur est "défendu"???<br /> <br /> <br /> fanfan<br /> <br /> <br /> <br />
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