Jimmy P.

Publié le par G&S

(Psychothérapie d’un Indien des plaines)
d’Arnaud Desplechin (France)

Ce nouveau film d’Arnaud Desplechin est inspiré d’un récit authentique, celui de Georges Dévereux, anthropologue et psychanalyste, qui dans les années 50 fut un des premiers à étudier la psychologie des Indiens d’Amérique.

Jimmy-P---Arnaud-Deplechin-19.09.13.jpgLe film s’attache à la vie d’un Indien, Jimmy Picard, qui a été soldat en Europe durant la seconde guerre mondiale. Revenu chez lui, où il travaille dans le ranch de sa sœur, il souffre de divers troubles qui laissent les médecins perplexes. On fait appel finalement à Georges Devereux, qui vient spécialement d’Europe et va se consacrer au cas de ce patient, dont peu à peu il devient l’ami. Le film raconte avec une grande sensibilité l’histoire de cette relation et est particulièrement intéressant pour trois raisons.

Tout d’abord il met au centre la personnalité de cet Indien, dont l’histoire est compliquée. Bien loin de le laisser enfermé dans le folklore américain traditionnel, si présent dans les westerns, on découvre progressivement une personnalité complexe : les blessures de l’âme, le mal-être existentiel si répandus dans nos sociétés touchent aussi d’autres humains qui nous paraissent d’abord si loin de nous.

Avant les traumatismes liés à la guerre, Jimmy P. a déjà vécu d’autres drames : une relation difficile avec sa famille, une séparation d’avec sa femme, le fait de ne pas connaître sa fille. Les maux de l’âme, les difficultés de relation entre homme et femme, la fragilité intérieure chez un homme apparemment si solide, tout cela surgit progressivement dans ce lent récit de guérison.

Invitation à sortir de nos idées toutes faites sur les êtres humains qui nous paraissent les plus loin de nous.

Mais le personnage de Georges Dévereux, très bien interprété par Mathieu Amalric, retient lui aussi l’attention. Personnage excentrique, à l’écart des idées dominantes en médecine ou en psychanalyse, il se révèle profondément attentif et humain, ne se laisse jamais décourager, se consacrant tout entier à ce chemin vers une guérison, convaincu que tout être humain a une valeur unique.

Et ces deux êtres, qui au-delà de la relation thérapeutique vont nouer une amitié, ont un autre point commun : Georges Dévereux est un juif hongrois né en Transylvanie qui a échappé à l’Holocauste avant de s’installer en France, Jimmy est un survivant des peuples indigènes de l’Amérique, si souvent victimes de massacres.

À l’arrière-plan de ce film retenu et sensible, il y a donc aussi ces deux génocides.

Jacques Lefur

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