Jésus, la Résurrection
Jésus a d’abord été pour moi le fruit d’une rencontre qui s’est produite à l’adolescence et qui n’a cessé d’évoluer depuis.
Ce fut d’abord la découverte d’une Parole tellement vivante qu’elle semblait à la fois être inscrite en moi et en même temps jaillir de moi-même. Je ne sais trop comment décrire cela. Elle parlait en utilisant tout mon être et je l’entendais proclamer plus fort intérieurement qu’extérieurement avec mes deux oreilles.
Le prologue de Jean a confirmé ce que je ressentais : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». En fait, il a habité en moi réellement me donnant ce pouvoir de devenir enfant de Dieu.
Cette rencontre qui m’a été donnée de faire, j’ai toujours tenté, par la suite de la retrouver à nouveau. Et Jésus est devenu cette tentative de recherche de toute ma vie.
Au début, l’Eucharistie était pour moi le signe principal de cette rencontre. Mais très vite d’autres moyens s’y ajoutèrent et prirent le relai : la prière en commun, la lecture des Evangiles, les partages, les échanges, les formations avec d’autres chrétiens. La communauté Saint-Luc s’est alors offerte à ma recherche et s’y offre toujours y répondant du mieux possible.
Jésus est le premier qui, pour moi, nous introduit dans la Vie Eternelle. Comme Pierre j’ai bien souvent prononcé cette phrase « Vers qui irions-nous, tu as les paroles de la Vie Eternelle ? »
Mais Jésus reste pour moi l’insaisissable. Son questionnement : « Qui dit-on que je suis ? » est le mien. Il se dit prophète, il se dit roi d’un royaume pas de ce monde, il se dit Fils de l’Homme semblant ne pas oser se dire Fils de Dieu. Il ne dit pas le contraire si on dit de lui qu’il est le Messie.
Il est peut-être un peu tout cela à la fois. Mais ça ne me gênerait pas de penser qu’il est le plus grand prophète de tous les temps. Nous recevons tous un peu de l’Esprit-Saint en nous. De penser que Jésus en a reçu la plus grande part qui puisse exister, n’entamerait en rien ma foi. Cela même me conforterait dans l’idée que nous sommes tous enfants de Dieu.
Au début de ma rencontre seul le coté divin m’est apparu. Puis, peu à peu, le côté humain s’est mis en place. Cependant je ne peux assumer totalement la radicalité de la Parole, ce renversement fou des valeurs, tout laisser comme le jeune homme riche, pour le suivre. Me faut-il donc renoncer au Royaume de Dieu ? Mais aucun d’entre nous n’y aurait accès.
Or la vision témoigne plus que la Parole à la possibilité d’accès dans ce Royaume. La Transfiguration nous donne la certitude que Moïse et Elie ont eu droit à la Vie Eternelle. La vie d’Elie a-t-elle atteint ce degré de perfection dans le renoncement à tout, au point de se trouver avec ses prérogatives dans le Royaume ? Je ne crois pas car Elie a souvent opposé des refus à Dieu.
Jésus a été choisi pour porter ce message d’amour de Dieu et d’amour du prochain destiné à toute l’humanité, sachant bien que jamais aucun d’entre nous n’atteindrait la perfection dans ce double amour. Et ce message qui avait été gravé très profondément en lui, il n’a pu que nous le restituer dans son expérience humaine, dans ce cri : « Aimez-vous comme je vous ai aimés », c’est-à-dire : Essayez de faire comme moi, tentez mon expérience, tendez toujours vers cette expérience de l’amour.
Je suis aussi en désaccord avec l’Eglise sur cette formulation du credo « je crois à la Résurrection de la chair ». Pour moi, il n’y a pas de résurrection du corps en matière de chair, d’os, d’organes. Il s’agit pour moi, comme l’a dit quelqu’un à une réunion, de la « Résurrection de la personne ». La conscience demeure et même se précise et à partir de là les facultés de penser, de mémoriser, d’entendre, de voir, de se mouvoir, de se déplacer restent intactes et même s’amplifient ou se restaurent. C’est un peu ce qu’a dit Jésus sur sa venue : les boiteux marchent, les aveugles voient, les sourds entendent, les muets parlent. C’est cela pour moi la véritable Résurrection qui est, non pas celle de la chair évoquant un au-delà physique et matériel, mais celle de la personne avec toutes ses facultés décuplées.
Chez les apôtres, il leur fallait la certitude sans l’ombre d’un doute de le savoir vivant pour partir témoigner jusqu’au sacrifice de leur propre vie.
Que savaient-ils de la Résurrection ? : La croyance de Marthe à-propos de son frère Lazare : « Jean ch11 V24 il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour » c’est-à-dire à la fin des temps. Et quand Jésus lui répond : « V25 je suis la Résurrection », après la mort de Jésus, les apôtres cesseront de croire à une résurrection à la fin des temps mais croiront à une résurrection immédiate après la mort. Il subsistera toujours un mystère mais Jésus pour parvenir à leur faire témoigner de cette résurrection immédiate, avait-il le pouvoir de leur apparaître sous différents aspects reproduisant leur ancienne vie ? Ma vie avait-il dit, j’ai le pouvoir de la donner et celui de la reprendre.
Jésus lui-même n’a pu démontrer exactement ce que serait la Résurrection. La seule image qu’il nous en a fournie est celle de la Transfiguration. C’est celle qui se rapproche le plus de la réalité mais les apôtres n’ont pas compris à ce moment-là et Jésus a dû sans doute être obligé d’employer d’autres moyens. Mais, pour moi, il reste le seul à avoir ainsi entr’ouvert un peu ce Royaume de Dieu.
Avec Emmaüs, la Résurrection c’est le déplacement, la rencontre, l’enseignement, la mémoire du pain partagé et surtout l’amour que cette mémoire provoque : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous ? ».
Le geste de l’Eucharistie plus développé chez Luc, au sujet de la coupe de vin, celui-ci ne dit pas « ceci est mon sang » mais « ceci est la coupe de la nouvelle alliance en mon sang livré pour vous ». Et si on inverse les éléments de l’Eucharistie, on dira, toujours chez Luc : « Il fit de même pour le pain et dit « ceci est l’unique nourriture en mon corps livré pour vous ». Il crée ainsi un geste commémoratif mais geste d’une grande force pour entretenir la foi. Or les commémorations sont d’habitude réservées aux morts. Là, on commémore un vivant mais cette commémoration crée un culte et une adhésion à une Présence réelle.
Cette « Présence réelle » est pour moi surtout dans cette Parole : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Jésus n’y est pas avec sa chair et ses os mais avec son moi profond. Et personnellement cela suffit à ma recherche et à approfondir ma foi.
Nous avons chacun un texte d’Evangile qui nous parle et nous plait plus que les autres. Pour moi c’est celui de la Samaritaine, cette rencontre près d’un puits dans ce désert brûlant de chaleur où celui qui est tout amour s’humilie à demander à boire à une femme, une Samaritaine. Et j’entends lui dire : « l’heure vient et c’est maintenant où ce n’est ni sur la montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père mais les vrais adorateurs l’adoreront en esprit et en vérité ». On voit et on sent vraiment là « l’eau vive » couler et se répandre sur toute la terre.
Le Christianisme est peut-être la religion de la sortie de la religion mais pour entrer dans le domaine de la vie, de la connaissance et de la spiritualité. Alors le Christianisme ne fait peut-être que commencer.
Christiane Guès