« J'ai vu et je rends ce témoignage »

Publié le par G&S

« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l’entraide et la solidarité visant à un but commun : l’épanouissement de chacun dans le respect des différences » écrit Françoise Dolto. Or comment communiquer si ce n'est par nos sens ? Dieu lui-même ne s'est-il pas révélé en Jésus Christ en se donnant à voir et à entendre ? « Celui qui m'a vu, a vu le Père » dit Jésus à Philippe (Jean 14,9).

Mais, comme Philippe, qu'il est difficile de voir et d'entendre ! Telle est la triste réalité de notre humanité spirituellement blessée. Et cela au point de nous rendre parfois sourds et aveugles. Comme pour les handicaps physiques, le risque est alors de nous replier sur nous-mêmes, de nous emmurer peu à peu dans la solitude, les a priori, de nous couper de l'autre tellement différent de nos façons de vivre.

Aussi l'Évangile regorge-t-il d'actes de guérisons physiques qui ouvrent l'homme à une relation entièrement renouvelée à lui-même, à ses frères et à son Seigneur.

Dans le territoire païen de la Décapole, Jésus guérit un sourd-muet (Marc 7,31-37).

Le prenant à l'écart, ayant levé les yeux vers Dieu son Père, accompagnant le Souffle du Très-Haut dans un long soupir, Il prononce : « Effata », c'est à dire « ouvre-toi ».

Remarquons que Jésus ne dit pas : « Que s'ouvrent tes oreilles » mais « Sois ouvert, tout entier », car c'est l'homme dans son intégralité qui a besoin d'être restauré. Tous nos sens ont besoin d'être re-liés et, par là, guéris.

Le sourd-muet vivait dans une sorte de mutisme, enfermé en lui-même, incapable de recevoir du dehors, incapable d'entendre la Parole de Dieu. C'est parce qu'il entendait mal qu'il avait du mal à parler. Il vivait sans pouvoir à son tour transmettre ce qu'il portait cependant déjà en lui.

Pour cet homme, l'effet est instantané, le mutisme disparaît dès la guérison de l'ouïe : « aussitôt, sa langue se délia et il parlait correctement ».

Les liens – entendre/proclamer ; voir/témoigner – nous renvoient à bien d'autres passages d'Évangile.

Marie Madeleine, parce que ses oreilles entendent au tombeau prononcer son prénom, séance tenante témoigne : « J'ai vu le Seigneur, voilà ce qu'il m'a dit » (Jean 20,18).

C'est le même empressement qui pousse la Samaritaine (elle en abandonne même sa cruche au puits) à opérer le « passage » du « Seigneur, je le vois,tu es un prophète » au« Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait » (Jean 4,29).

Chacune de ces femmes a été touchée par le ton et l'attitude bienveillante d'un homme rencontré sur leur chemin. Leur vie, somme toute bien ordinaire, marquée par la peine ou l'infidélité du quotidien, en a été transformée.

Habitées désormais par cette Rencontre accueillie en elles par l'alerte de tous leurs sens, elles sont désormais poussées à partager à leurs frères la vie qu'elle a éveillée en eux. Leur acquiescement à l'inédit de Dieu les a mises en route pour témoigner. Quant aux disciples, il s'agira pour eux, comme l’avait fait jadis Nathanaël, de quitter leur figuier (Jean 1,47-51)après avoir entendu le « Venez voir » de la Samaritaine. Le déplacement est inévitable, s'ils veulent dans la liberté accueillir ou refuser leur témoignage.

Matthieu(13,15), reprenant le prophète Isaïe (6,9-10), nous dit : « Ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n'entendent, que leur esprit ne comprenne, qu'ils ne se convertissent et que je les guérisse. »

Voir/comprendre/se convertir/se laisser guérir est une invitation permanente.

Aujourd'hui encore le Seigneur vient à notre rencontre, Il ne cesse de nous parler à travers nos frères et nous invite à répondre à son appel lorsqu'Il se révèle à nous dans Sa présence discrète au plus profond de notre être et dans les visages de nos voisins.

À nous aussi, il est demandé de « voir » et de « rendre témoignage », tout comme les disciples de Jean Baptiste que Jésus renvoie ainsi à leur maître : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez » (Matthieu 11,4). Le témoin rapporte ce qu'il a vu et entendu.

Rendre témoignage du Seigneur comme l'ont fait les deux femmes, c'est aller au-delà du « voir et raconter ce qui a été vu », il s'agit certes de voir mais surtout de prendre position par rapport à la réalité perçue afin de se situer personnellement et résolument face à elle.

Témoigner, c'est attester la réalité d'un fait. Le verbe est fort, il appartient au langage juridique qui renvoie à un engagement de la parole et de la personne. Combien de témoins brûlant d'un feu intérieur sont allés et vont encore jusqu'à donner leur vie par fidélité à cette conviction intérieure née de la Rencontre ?

Dans l'intimité de la prière, osons crier comme l'aveugle Bartimée au bord du chemin : « Fils de David, aie pitié de moi » (Marc 10,47).

Ouverts à la présence du Seigneur, par nos sens restaurés, alertés par les mots de l'Évangile, nous serons alors capables d'ouvrir notre bouche sans avoir peur, sans tricher, en disant simplement les paroles qui jailliront de la contemplation de notre Dieu.

« Qui regarde vers Lui, resplendira » (Psaume 34,6)

Nathalie Gadéa

Publié dans Réflexions en chemin

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