Identité nationale
Le gouvernement a décidé d’ouvrir un grand débat sur l’identité nationale. La plupart des observateurs ont fait remarquer la proximité de cette initiative avec les prochaines échéances électorales à un moment où l’action de Nicolas Sarkozy, selon les derniers sondages, est majoritairement critiquée par les Français. Dans un entretien publié par Le Nouvel Observateur, Michel Rocard affirme qu’à ses yeux il s’agit d’un débat « imbécile ». « Exalter la France, déclare-t-il, est une chose. Je me sens Français comme pas possible. Je suis éperdument fier d'être par hasard né dans ce pays. Mais je n'ai pas envie que la chance que cela représente soit fermée à d'autres, au nom d'un sectarisme qui n'est pas dans notre histoire. Et je crains beaucoup que le fait d'ouvrir le débat ne se traduise, comme souvent en France, par une volonté de formaliser, de décrire et de mettre dans des textes, ce qui va figer. C'est idiot parce que je n'ose pas caresser l'espoir que dans ce débat sur l'immigration, la victoire aille à cette définition : la France est la seule identité nationale au monde qui soit en définition évolutive et constamment en train d'agglomérer de nouvelles sensibilités et de nouvelles représentations linguistiques ou de couleurs de peau » 1.
Il ne faudrait donc pas que, pour répondre à une clientèle électorale arc-boutée sur les problèmes d’immigration, on fige dans des normes ce qui est un processus permanent. Pour cela, nous devons, avec cet espoir que Michel Rocard nous dit ne pas pouvoir caresser, nous saisir tous de ce débat, en restant attentifs et lucides sur les récupérations politiciennes dont il peut faire l’objet.
Parmi les suggestions présentées par le gouvernement pour affirmer cette identité, il y a la volonté de redonner toute sa place à l’hymne national, La Marseillaise. Si c’est pour restaurer un hymne qualifié de sacré au service d’un cléricalisme national, ce serait une régression. Mais pourquoi pas, au nom même de la conscience de notre identité nationale comme processus permanent, ne pas réinterroger le texte de cet hymne dont certaines paroles pourraient tomber sous le coup de la loi comme propos racistes !
En 1990, le journal Le Monde publiait l’appel d’une association intitulée « Pour une Marseillaise de la fraternité » association présidée par l’Abbé Pierre et dont le Conseil d'Administration réunissait Simone Rozès, Gilbert Trigano, Jean Imbert, Jean Toulat, Pierre Lunel. Cet appel était soutenu par un grand nombre de personnalités. Je crois important, à l’heure où l’on nous invite à chanter la Marseillaise, d’entendre à nouveau cet appel :
« L’hymne national, c’est l’âme d’un peuple. Parce que nous aimons la France, nous ambitionnons pour elle un message qui s’harmonise avec son idéal de liberté, d’égalité et de fraternité. Nul ne songe à toucher à une musique qui a scandé les grandes heures de notre histoire et qui résonne, hors de nos frontières, comme un symbole de liberté. Mais à l’heure où les jeunes générations aspirent à la solidarité et à l’amitié entre les peuples, pouvons-nous continuer à chanter des paroles de haine et de vengeance, qui incitent à brandir un étendard rougi de « sang impur ». (…) L’heure est venue, au “pays des droits de l’homme ”, de rechercher des paroles qui n’évoquent de guerre que contre la misère des sans-pain, sans-toit, sans-travail, sans-école, sans-soins » 2.
Ce serait en effet une magnifique illustration de notre identité française que de répondre à cet appel.
Bernard Ginisty
Chronique diffusée sur RCF Saône & Loire le 07.11.09
1 - Propos de Michel Rocard recueillis par Baptiste Legrand (02.11.09 Nouvelobs.com)
2 - Appel publié dans Le Monde du 29 juin 1990.