Homosexuels catholiques : sortir de l’impasse
À propos du “mariage pour tous”,
nous n’avons présenté jusqu’à présent que des documents officiels.
Au travers de vos commentaires, amls internautes,
ils ont ouvert un débat de qualité.
Cela nous encourage à nous faire l’écho de voix moins “autorisées”.
Nous vous proposons donc un texte qui est un commentaire à la présentation
sur le site de la Conférence catholique des baptisé-e-s de France
du livre de Claude Besson, Homosexuels catholiques, sortir de l’impasse.
Cela parce que son approche originale a suscité au sein de notre comité de rédaction
réflexion et discussion et que le propre d’un blog est
de prolonger avec ses lecteurs
les débats qui tiennent à cœur à ceux qui l’animent.
En relisant l’histoire de Tristan et Iseut, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec la très médiatique question du mariage entre personnes du même sexe. À une époque où le mariage d’amour était considéré comme une menace pour la bonne marche de la société, ce couple mythique se retrouve hors la loi. Son refuge, il le trouve au fond des bois, en marge de la société.
Leur union, aujourd’hui banale, était, elle aussi, considérée comme « contre nature » selon l’ordre du monde d’alors où le mariage arrangé était la norme. Une norme que l’on comprend aisément lorsque l’on connaît le potentiel subversif de l’amour.
Si autrefois en effet le cœur du mariage était la présomption de paternité, aujourd’hui c’est le couple qui en est le cœur. Le mariage n’a plus la finalité quantitative et utilitaire de procréer mais celle de protéger deux personnes qui s’aiment.
Les réticences actuelles à reconnaître les amours homosexuelles nous viennent de loin. La loi de Moïse déjà nous en parlait. Société patriarcale au besoin vital de grandir, les Hébreux condamnent clairement et fermement l’homosexualité masculine. Cette société n’existe plus et la loi de Moïse n’est pas en self-service. Soit elle s’applique à la lette dans son intégralité, soit elle ne correspond plus à notre monde en tant que loi.
En tant que texte fondateur de nos civilisations, on ne peut certes pas la balayer en quelques lignes. Mais selon les écrits néotestamentaires, cette loi, nous en disposons. La loi est faite pour l’homme et non l’inverse. Elle est accomplie et non abolie.
Dans le même souci d’éviter l’écueil de la lettre de nos textes fondateurs, nous savons que le monde ne s’est pas fait en six jours, tout comme nous savons que les archétypes primordiaux d’Adam et Ève nous parlent de principes masculin et féminin, d’extériorité et d’intériorité, davantage que de l’homme et de la femme.
À ce titre, le double récit de la création de l’humain est clair. Il est d’abord créé mâle et femelle. Androgyne primitif. Puis la femme, où plutôt le féminin qu’il contient est tiré du dedans de lui, car l’expérience d’amour ne se vit que dans l’altérité. Un autre différent de soi. Différent n’ayant jamais été synonyme de sexe opposé.
Enfin l’appel à la tolérance de Sodome et Gomorrhe est sans doute l’un des récits bibliques sur lequel pèse le plus lourd contresens. À la rigueur mentale toute phallique du peuple de Lot, celui-ci oppose la douceur de ses filles encore vierges. Un monde fécond encore en devenir. Le monde des possibles. Un plaidoyer puissant contre la pensée unique.
C’est dans leur acception symbolique – au sens fort de ce terme, le symbole étant ce qui créé du lien – que la portée des textes sacrés à traversé les âges. Que les sociétés qu’ils décrivent nous ressemblent ou ont matériellement existé n’a dès lors plus aucune importance. Ce qui compte, ce sont les messages subtils et les allégories puissantes qu’ils contiennent. Des messages qui parlent au cœur avant de parler à notre raison.
Un couple uni et bienveillant envers ses enfants, une famille heureuse et épanouie, qui aura le cœur des les séparer ? De leur jeter la première pierre en leur refusant le cadre protecteur du mariage et par corollaire en mettant en doute la validité de leurs sentiments.
À chaque époque sa façon de lapider. À chaque époque aussi son défi et sa mise à l’épreuve de nos mots de tolérance et de respect. Si je dois même aimer mon ennemi, et donc le respecter, combien à plus forte raison ne dois-je pas aimer et respecter celui dont le seul crime est de vouloir aimer, tout comme moi.
Étrangement, l’argument de l’intérêt de l’enfant n’a jamais intéressé personne lorsque les pensionnats et orphelinats étaient tenus par des religieux tous du même sexe. Les référents masculin et féminin sont partout autour de nous. À l’école, en famille, entre amis.
Pour que perdure une interprétation clairement orientée, une traduction approximative ou tout simplement pour ne pas voir leur monde changer, certains sont encore prêts à refuser aux autres le droit d’aimer. Refuser le droit d’aimer, c’est reléguer à la clandestinité, pousser à des comportements marginaux et suicidaires des personnes dont le choix de vie n’enlève rien à la société. Refuser l’amour, c’est condamner à mort.
Faute d’arguments spirituels, les arguments anthropologiques avancés aujourd’hui, même par les grandes religions, ne sauraient résister au potentiel transgressif de l’amour. En réalité, c’est l’amour qui est contre nature. Son énergie transcendante et créatrice nous arrache au déterminisme biologique de notre nature animale pour nous rapprocher un peu plus encore du monde à la fois subtil, mouvant et infiniment riche de la pensée.
Au XIIe siècle, Iseut se battait pour le droit d’aimer l’homme de sa vie. Aujourd’hui ce combat, dont la plupart était ignorant alors, est gagné et nous en bénéficions. Au XXIe siècle, Iseut se bat pour le droit d’aimer la femme de sa vie. Puisse l’humanité en bénéficier avant mille ans.
Au XVe siècle, Pic de la Mirandole nous ouvrait déjà la voie : « Toi, que nulle limite ne contraint, conformément à la libre volonté que nous avons placée dans tes mains, décideras des propres limites de ta nature. »
Sam Byhel