Faisons droit à toute la Tradition de l’Église
La renonciation du pape Benoît XVI à sa charge de pontife romain est un événement important, en particulier pour la théologie des ministères dans l’Église catholique et pas seulement pour la charge de Souverain Pontife.
Le retrait d’une charge si lourde peut en effet paraître un acte de simple bon sens. Quand quelqu’un se trouve dans l’incapacité de remplir une tâche, il est normal qu’il y renonce ou soit remplacé.
Pourquoi l’étonnement de beaucoup ? On dit que ce n’est pas arrivé depuis fort longtemps – sans doute !
La raison me semble plus profonde : c’est une rupture avec la théologie dominante du sacerdoce dans l’Église catholique. L’ordination a été comprise comme une consécration qui met à part de la condition humaine et donc comme le passage à un statut ontologique irréversible. Or cette théologie, qui a fondé la « spiritualité sacerdotale » dominante depuis la fondation des séminaires au XVIIe siècle en application des décisions du Concile de Trente, n’est pas la seule dans la Tradition chrétienne.
Il est une autre manière de voir les choses ; elle est plus traditionnelle, puisqu’elle est présente dans le Nouveau Testament. Les ministères y sont des fonctions ou plus exactement des services. Ce sont des charges ou responsabilités qui supposent compétence et disponibilité, formation et renouvellement selon les nécessités de leur accomplissement.
Cette perspective permet de sortir de la sacralisation exprimée par le contresens dans l’interprétation des paroles du psaume « tu es sacerdos in aeternum » (« tu es prêtre pour l’éternité ») ; elle se rapporte au Christ et à personne d’autre !
La tradition thomiste (défendue par des figures aussi éminentes que le Père Congar ou Jacques Maritain) privilégie la fonction et la charge – laissant aux vœux de type monastique leur statut spécifique. La démarche de Benoît XVI s’inscrit dans cette tradition et elle permet de replacer la théologie des ministères sur ses bases apostoliques.
Qui ne voit que cette théologie permettrait de sortir l’Église catholique de la crise actuelle des ministères ?
- Elle permettrait en effet de reconnaître la valeur des ministères accomplis par des personnes qui n’assument pas les exigences d’un vœu de religion (en premier lieu, le célibat).
- Elle permettrait aussi de reconnaître que bien des missions confiées à des laïcs relèvent du sacrement de l’ordre (comme service ou diaconie) et encore d’envisager d’autres formes de ministère ordonné, de manière à prendre en compte les mutations de civilisation – comme le fait que des charges jadis réservées aux hommes sont assumées par des femmes.
La question du statut des prêtres a été écartée des débats conciliaires par le Pape Paul VI, qui craignait que l’on débatte publiquement des échecs et des fautes du clergé.
La crise du clergé dans les années qui ont suivi le concile a montré que c’était une erreur ; le pape Benoît XVI a eu le triste devoir d’en assumer les humiliantes conséquences.
Il serait temps de reposer la question des ministères sereinement en faisant droit à toute la Tradition de l’Église.
Jean-Michel Maldamé
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Michel_Maldamé