Faiblesses romaines
La crise naissante au Vatican ne peut nous laisser insensibles
compte tenu des risques qu'elle engendre.
C'est pourquoi nous avons choisi de mettre en ligne cet article,
qui nous paraît faire sereinement l'état des lieux.
G&S
Ni complot, ni coup d’État : les derniers épisodes rocambolesques de l’histoire pluriséculaire du Vatican mettent simplement en évidence, sous le coup de la coïncidence de l’éviction du banquier du pape et de l’arrestation de son majordome, une double faiblesse.
Tout d’abord une faiblesse structurelle. Au-delà des apparences trompeuses de la puissance impériale du Vatican, la réalité quotidienne du plus petit État du monde est constituée d’un personnel peu nombreux, rarement coordonné, travaillant souvent dans une étonnante improvisation doublée de lourdeurs bureaucratiques.
Mais aussi une faiblesse italienne. Ces jeux de pouvoirs permanents, ces clans, ces petits arrangements entre amis ou entre familles, dont le président du Conseil Mario Monti veut faire table rase dans la péninsule, sont les mêmes qui engluent la mission évangélique du Saint-Siège.
Benoît XVI, théologien spirituel avant d’être pasteur ou gouvernant, n’a eu de cesse depuis plus de vingt ans de dénoncer ces travers, cette sporcizia (pourriture), qui affecte l’Église, tant dans ses hommes (Légionnaires du Christ, pédophilie) que dans ses œuvres (finances vaticanes, cléricalisme).
Aujourd’hui concrètement touché par le scandale jusque dans sa vie personnelle, à rebours des orientations les plus profondes qu’il a voulu donner à l’Église, le pape reste, comme il l’a toujours fait, au-dessus de la mêlée. Pourtant, jusque dans ses appartements, les hommes d’Église, laïcs et clercs confondus, succombent à la tentation d’une Église devenue « liquide et instable », à l’instar de la société sécularisée tant de fois dénoncée par Joseph Ratzinger.
« Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie » disait, paraît-il, saint François de Sales, patron des journalistes.
Aujourd’hui, parce que l’Église est intimement touchée à son plus haut niveau, c’est le risque d’un discrédit majeur qui affecte tant l’institution que sa mission. Cette perte de crédibilité, conjuguée à l’indifférence massive propre aux sociétés sécularisées tout autant qu’à l’hémorragie silencieuse de fidèles qui les affecte, est désormais un défi majeur pour la papauté.
Pour l’affronter, celle-ci ne pourra se reposer longtemps sur la vitalité spirituelle venue du Sud. C’est au cœur même de l’appareil, à Rome, que le problème est posé. L’écho donné au cinquantenaire de Vatican II, le prochain synode pour la Nouvelle évangélisation, nourriront cette réflexion, assurément nécessaire.
Mais sera-ce suffisant ?
Extrait de lacroix.fr du 29 mai 2012