Eva, Cosmina, Atilla… Alleluia !
Comme sont étranges les circonvolutions d'une mouche sur un plafond blanc !
Quelle légèreté ! Quelle habileté ! Quelle dextérité ! C'est vraiment prodigieux ! Et au rythme des secondes, des minutes, des heures qui s'écoulent, je me surprends à l'interroger : qu'est ce qui te meut petit insecte volant ? Pourquoi te déplaces-tu toujours dans le même sens et reviens-tu de façon systématique dans ce petit coin extérieur gauche de la pièce ?
Rassurez-vous, je n'ai pas fumé la moquette, selon l'expression usuelle des jeunes !
Cette contemplation, ô combien surprenante, est le résultat d'une arrivée sur l'arête d'un mur à l'issue d'un double salto arrière avec envol non prémédité et rétablissement non contrôlé ayant comme point de départ une chaise de bureau. La caractéristique principale de ce matériel, connue de tous sauf de moi apparemment, est de rouler lorsqu'on monte dessus.
Même si l'expérience ne profite vraiment qu'à celui qui la vit, j'ai envie d'énoncer le conseil suivant : ne pratiquez l'art de la pirouette et de la voltige que dans le cadre strict d'une école du cirque. Passer outre fait en effet courir le risque d'une immobilisation de quatre semaines pour fracture de deux vertèbres lombaires et cela en plein été, au moment de partir en vacances.
Me revient à l'esprit que dans ma petite enfance j'avais une tendance fâcheuse à partir à gauche quand on me disait d'aller à droite. Sans aucune considération politique, je peux dire que ce fut aussi le choix de mon ange gardien qui m'évita ainsi un saut dans le vide de plus de quatre mètres. C'est sans doute lui qui orienta l'objet roulant bien identifié afin de suivre scrupuleusement les consignes du Très Haut peu désireux de me voir arriver trop à l'avance, au risque de mettre la pagaille dans la Cour céleste.
Douloureuse, bien à plat sur mon lit, liée et fixée par la potence de la perfusion de calmants, le regard orienté sur mon amie la mouche, j'en suis là de mes réflexions lorsque j'entends un coup frappé discrètement à la porte. Qui me fait la surprise d'une des premières visites ?
Un petit visage angoissé apparaît dans l'entrebâillement et je reconnais les regards consternés de Cosmina et de sa petite Ioanna, désormais scolarisée et passant, pour la petite histoire, parmi les premières de sa classe au CE1.
Petite ou grande histoire, je ne sais ; mais la persévérance de cette maman de la communauté rom, dormant dans la rue et amenant tous les matins sa fille impeccablement habillée, reste pour moi en ces circonstances un beau chemin de courage à parcourir à mon tour.
Dans sa main, en cette journée estivale, une petite bouteille d'eau minérale bien fraîche, dans l'autre un pain au chocolat et dans une boîte à ruban un vrai flan pâtissier.
L'émotion m'étreint et ne me quitte plus jusqu'au moment de leur départ. Des mains maternelles me nourrissent, des paroles réconfortantes me consolent, des gestes sûrs retapent mon oreiller, des regards compatissent et des mots un peu fermes me grondent. « Tu dois faire attention, c'est trop grave », me disent-ils. Un instant plus tard Ionut, tout gauche avec son petit bouquet de fleurs, entre à son tour, s'excusant presque de n'avoir pu venir plus tôt, le regard quelque peu embué lorsqu'il évoque le pire qui ne s'est heureusement pas produit.
Le lendemain Eva, Atilla, leurs petits enfants les mains remplies de bananes, brugnons, gâteaux divers viennent aussi me visiter, venus à pied sous la chaleur, essuyant discrètement leurs larmes qui coulent. « tou sais, on est là, tou peux compter sour nous ».
Et Cosmina, fidèlement, de revenir le surlendemain avec Tibi, son mari.
En cette canicule, dans une dépendance totale et forcée, c'est de la fraîcheur de ces paroles, de ces gestes de tendresse que jaillissent alors les paroles du Psaume :
« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien, sur des prés d'herbes fraîches, Il me fait reposer".
Le Seigneur était venu me visiter. Alleluia !
Nathalie Gadea
2 août 2013
P.S. : une phrase essentielle du message final de Diaconia 2013 était : « Personne n'est trop pauvre pour n'avoir rien à partager ».